Les deux mères

 

 

Oui, mon cœur s’en souvient, il n’est point sur la terre,

        Enfant, pour toi de nom plus doux

Que le nom vénéré de la pieuse mère

        Qui te berce sur ses genoux !

 

Et la voix d’une mère est si pleine de charme

        Appelle si bien le sommeil !

Tu goûtes constamment un repos sans alarme,

        Sans craindre un précoce réveil !

 

Quand tes cils sont mouillés, je sais qui les essuie :

        Une mère est pareille aux cieux :

Comme un rayon d’en haut évapore la pluie,

        Son regard sèche tes beaux yeux !

 

Et son sourire même exerce un saint empire :

        Il te donne d’heureux matins ;

Ainsi que le soleil, ce céleste sourire,

        Sème, au printemps, des jours sereins !

 

Pourtant ce nom si pur, objet de ta tendresse,

        Ce doux regard, ces chers accents,

Et ce sourire empreint d’une chaste allégresse,

        Hélas ! c’est trop peu, je le sens !

 

Ta bouche a prononcé le nom d’une autre mère,

        Nom plus suave que le miel ;

Nul ne l’invoque en vain dans cette vie amère :

        Il descendit pour nous du ciel !

 

Eh bien ! rappelle-toi qu’en un temps moins propice,

        Vivait un roi sage et puissant ;

Que deux femmes un jour réclamaient sa justice,

        Et s’arrachaient un faible enfant !

 

Si, par un stratagème, il flétrit l’étrangère,

        Sans aucune épreuve, sa main,

À l’aspect de Marie et de ton humble mère,

        Eût montré la Vierge soudain !

 

Déjà ton front pensif est voilé d’un nuage !

        – Quoi ! fuir ma mère, dites-vous ?

Non, non, aime-la bien ; mais aime davantage

        La Vierge qui nous chérit tous !

 

L’âme pleine d’amour, l’une dans sa demeure,

        T’abreuve d’un laitage pur ;

Et l’autre suit tes pas, et te guide à toute heure,

        Vers son palais d’or et d’azur !

 

Tout mortel est son fils, s’il vit dans l’innocence,

        Et tu sais qu’en tous nos revers,

Elle a sauvegardé son royaume de France,

        Et par la France l’univers !

 

 

 

Louis de VEYRIÈRES.

 

Recueilli dans La Muse des familles,

journal bimensuel tout en vers inédits,

Quatrième année, 1860.

 

 

 

 

 

 

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