Nuit de l’esprit, nuit sans étoiles

 

 

Être l’épi, le blé, la brise qui dispense

Aux champs sa large paix ; être chaude démence,

L’opiniâtre rayon sur d’ingrats horizons ;

Plus humble, être l’accueil villageois des maisons,

Ou, dans la nuit venue, être l’arbuste ; n’être

Que l’ombre caressant l’épaule des fenêtres ;

Tendresse des ruisseaux, être au milieu de l’eau

Une pierre écaillée où fait halte l’oiseau ;

 

Ô, mon Dieu, n’être pas même une rose

Abandonnant au soir sa corolle déclose,

Être l’insecte sans nulle mission d’amour

Dans sa tâche éphémère accomplie en un jour,

Qui, jamais angoissé du firmament stellaire,

Trouvera son repos dans l’appel de la terre.

Seigneur, n’avoir jamais quitté le bleu néant,

Ne devoir plus céder au désir véhément,

Ne pouvoir plus souffrir de l’orgueil de mon front,

Ah, ne plus être moi, ces lèvres, cette bouche,

Et ce cri désolé de mon âme farouche

Qui n’espère aucun ciel, mais s’accroche à ton Nom !...

 

 

 

Medjé VÉZINA.

 

Recueilli dans Feuilles d’érable, fleurs de lys,

anthologie de la poésie canadienne-française

établie et présentée par Pierre Cabiac,

Éditions de la diaspora française, 1966.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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