SAINT-MICHEL AU 29 SEPTEMBRE 1820

 

 

                               Hæc dies quam fecit Dominus exultemus et lætemur in ea.

 

 

Du sommet lumineux de la voûte éternelle,

                Le grand moteur de l’univers,

                Sur nos forfaits, sur nos revers,

                Fixait sa pensée immortelle.

                Au sein de la France fidèle

Où le lis refleurit à l’ombre de la croix,

L’arbitre souverain des peuples et des rois

voit s’agiter encore une horde rebelle

qui brave insolemment sa puissance et ses lois.

Aux temps où du néant sa voix tira le monde,

Il remonte en idée.... il reconnaît Satan 1,

Mammone 2, Bel-Zebuth 3, Phégor 4, Léviathan 5

            En noirs complots, ligue féconde,

Qui, deux fois terrassée 6 et vaincue à jamais,

Garde l’amour du crime et l’espoir du succès.

                L’artifice et la calomnie,

                Le poison, le fer et les feux

                Souillent, des esprits ténébreux,

                Les mains, le front, la bouche impie.

À leur affreux signal, de la terre entendu,

Par un coup de poignard 7 la terre a répondu.

Le deuil couvre la France, et la troupe infernale

A salué la mort, par un cri redoublé.

                De cette allégresse fatale

Dieu lui-même a frémi, sur son trône ébranlé.

À l’abîme échappés, il revoit sur la terre

                Les princes des noires tribus,

Aux puissances du ciel livrer encor la guerre :

                Il les voit, au nom des vertus,

Faisant germer partout la semence des crimes,

                Échauffer les cœurs corrompus

Du feu séditieux qu’allument leurs maximes.

De la Liberté sainte usurpant les honneurs,

Sous ses traits, la Révolte arme ses sectateurs 8.

Paré d’un zèle faux contre le Fanatisme,

Jusqu’au pied des autels blasphème l’Athéisme 9.

Le Parjure, couvert du nom de l’Éternel,

Sacrilège assassin, triomphe avec bassesse 10 ;

                D’une main la Fraude caresse,

                L’autre porte le coup mortel 11.

L’Esprit, dont le pouvoir à l’intérêt préside,

Souffle l’ardeur du crime au cœur de l’envieux 12.

Du trône et de l’autel ennemi parricide,

L’Esprit de secte lève un front audacieux 13

On revoit leur Superbe, au siècle des lumières,

Comme au jour de la chute, attaquer le Seigneur.

Mais Dieu mande l’Archange, autrefois leur vainqueur.

                Dont la lance ouvrit les barrières

Du gouffre où s’éteignit leur première splendeur,

                 « De mes décrets, ministre redoutable,

                » Michel, dompte encore aujourd’hui

                » De l’enfer la rage implacable ;

» Ce n’est plus à la force à me venger de lui.

                » Que ton message offre à terre

                » Le présage de mes bienfaits.

            » Va lui porter l’oubli de ma colère ;

» L’aspect de l’innocence est un gage de paix.

                » Du fer de ta lance dorée

            » D’un lis sans tache ouvre le sein fécond :

» Fais éclore, aux regards de la France éplorée,

» Le germe précieux dont sa foi lui répond 14.

» SAINT LOUIS l’a promis à la veuve fidèle

                » Qui pleure au tombeau de BERRY 15.

» J’accomplis aujourd’hui sa promesse immortelle ;

» CHARLES, pour les Français, renaît avec HENRI. »

                Dieu dit : Michel, de la voûte azurée,

                S’est élancé : dans son vol radieux,

Il touche de nos rois la demeure sacrée,

Et le fils de la tombe au jour ouvre les yeux.

La terre à son aspect tressaille d’allégresse ;

                Le ciel s’émeut..... l’enfer frémit ;

                À l’aspect du jour qui le blesse

L’abîme encor ouvert se referme et mugit.

Des méchants dont Dieu même a vaincu la malice

Le triomphe des bons redouble le supplice 16.

D’un peuple consolé les chants religieux,

L’encens, les cris d’amour s’élèvent vers les cieux 17.

Du séjour éternel, ouvert à sa souffrance,

CHARLES bénit sa veuve, et son fils et la France.

Ainsi que lui martyrs, les deux LOUIS, HENRI 18,

Veillent, auprès de Dieu, sur ce dépôt chéri ;

Le lis qui croit aux cieux, sous leur garde fidèle,

Refleurit plus brillant, sur sa tige immortelle,

Et, des nouveaux destins promis à l’univers,

Les anges du Seigneur, sur leurs harpes dorées

Ont donné le signal, dans les hymnes sacrées

De la céleste cour ineffables concerts !

 

 

 

Pierre-Ange VIEILLARD (1778-1862).

 

Publié chez Ponthieu en 1820.

 

 

 

 

 

 



1 Satan ; orgueil, ambition, révolte.

2 Mammone ; cupidité, avarice, convoitise.

3 Bel-Zebuth ; impiété, sacrilège : c’est le Baal des Syriens.

4 Phégor ; débauche, intempérance : c’était une divinité des Moabites. On lui donnait aussi les noms de Baal-Peor et de Bel-Phégor.

5 Léviathan ; l’esprit du midi et de la mer.

6 La chute des anges rebelles et la rédemption. De nos jours, les deux restaurations.

7 13 février 1820.

8 Prédications et adresses incendiaires, rassemblements séditieux.

9 La loi est athée.

10 20 mars 1815.

11 19 août 1820.

12 Soif de l’or et du pouvoir, maladie du siècle.

13 Jacobins, radicaux, sandistes, liberales, carbonari.

14 Prières universelles pour la naissance d’un prince.

15 Vision maternelle.

16 Ipsi obligati sunt et ceciderunt ; nos autem surrexirnus, et erecti sumus. Ps. Exaudiat.

17 Paris au 29 septembre et, depuis ce jour, toute la France.

18 25 août 1270, 14 mai 1610, 21 janvier 1793, 14 février 1820.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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