La mort du bon pasteur

 

 

... Jamais les ministres de l’Église n’ont été plus honorés

que dans les siècles où ils parurent plus pauvres

et plus modestes.

                              MASSILLON, Conférence.

 

 

ACCOUREZ, villageois, accourez, malheureux !

Accourez ! il n’est plus, cet envoyé des cieux !

 

Vous ne le verrez plus dans les tristes chaumières,

Aux saintes vérités, aux leçons salutaires

Mêler de ses bienfaits les fidèles secours,

Au malade indigent rendre quelques beaux jours,

De la veuve éplorée éloigner la misère,

Et sauver à la fois et le fils et la mère.

 

Il n’est plus !... Vos enfants, qui furent ses amis,

Qu’il aima tendrement, qu’il vous rendait soumis,

N’apprendront plus de lui les célestes cantiques,

Les préceptes chrétiens, les pieuses pratiques !

Des plus chastes amours observant les leçons,

Les filles du village et les jeunes garçons

À leur père commun, confident de leurs peines,

Ne demanderont plus de protéger leurs chaînes :

On ne le verra plus, intercédant pour eux,

Implorer, obtenir les paternels aveux ;

Et sur les deux amants, unis par la prière,

Attirer du Très-Haut la grâce tutélaire.

 

Accourez, villageois ! accourez, malheureux !

Accourez ! il n’est plus cet envoyé des cieux !

 

Non, vous n’entendrez plus sa parole. sacrée

Consoler les remords de votre âme ulcérée,

Vous annoncer un Dieu tout-puissant et vengeur,

Mais prêt à pardonner au fragile pécheur !

Cette voix, qui du ciel invoquait la clémence,

Qui calmait vos douleurs, éloignait la souffrance,

Faisait haïr le vice et chérir les vertus,

Dans le temple sacré ne retentira plus !

 

Non, vous n’entendrez plus la voix de votre père,

Mêler dans vos regrets les pleurs à la prière !...

Allez parer de fleurs son modeste tombeau :

Qu’un deuil longtemps pieux attriste ce hameau :

Celui qui vous prêchait les vertus les plus pures,

Et l’amour du prochain, et l’oubli des injures,

Qui, fuyant les grandeurs, leur folle vanité,

Fut fidèle aux leçons d’un Dieu d’humilité,

Qui des champs fortunés, des villages tranquilles,

Éloigna le fléau des discordes civiles,

Ne vous parlera plus du bonheur d’être unis :

Vous ne le verrez plus, dans vos loisirs permis,

Le soir, près du foyer, s’asseoir dans vos retraites,

Ou, censeur indulgent, présider à vos fêtes.

 

Accourez, villageois ! accourez, malheureux !

Accourez ! il n’est plus cet envoyé des cieux !

 

 

 

Antoine-Benoît VIGAROSY.

 

Paru dans les Annales romantiques en 1826.

 

 

 

 

 

 

 

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