Le chant d’exil
IMITÉ DE M. DE CHATEAUBRIAND.
Heureux celui qui vit sous le toit de ses pères,
Qui ne s’est point assis aux fêtes étrangères !
Si le Flamant superbe, heureux enfant du Nil,
Disait près de ces bords à l’oiseau de l’exil :
– Pourquoi gémissez vous sous ces charmants ombrages ?
N’avez-sous pas ici, comme dans vos bocages,
Un ciel toujours propice et des fruits toujours mûrs ?
Nos chants sont-ils moins doux, nos flots sont-ils moins purs ?
– Non... Mais j’ai tout laissé sur la terre chérie...
Mais vous ne m’offrez pas le ciel de ma patrie,
Ni mon nid, seul témoin des amours les plus doux ;
Et mon arbre natal, cet arbre, l’avez-vous ?
Heureux celui qui vit sous le toit de ses pères,
Qui ne s’est point assis aux fêtes étrangères !
Le voyageur lassé s’assied triste et rêveur...
Il veut fuir le présent, il descend dans son cœur,
Il revoit ses foyers, sa couche toujours prête...
Mais l’étranger n’a pas où reposer sa tête...
Pressé par la fatigue et pressé par la nuit,
Il frappe à la chaumière où la faim le conduit....
(Malheureux, il demande asile à la misère !)
Mais tout reste insensible à la plainte étrangère ;
Il jette en vain au maître un regard suppliant,
Puis montre le désert, et s’éloigne en priant.
Heureux celui qui vit sous le toit de ses pères,
Qui ne s’est point assis aux fêtes étrangères !
Les paisibles travaux et les plaisirs touchants,
Remplissent tous les jours de l’humble ami des champs.
Il voit croître avec lui l’arbre qui l’a vu naître,
Qui le reçut, enfant, sous son abri champêtre,
Où son cœur soupira ses premières amours.
Il vient s’y reposer au midi de ses jours ;
Vieillard, il dormira sous son antique ombrage.
Les tendres souvenirs, les songes du jeune âge,
Comme un écho lointain arrivant à son cœur,
Sa vie est un seul jour, mais un jour de bonheur.
Heureux celui qui vit sous le toit de ses pères,
Qui ne s’est point assis aux fêtes étrangères !
Félix de VILLEBOIS-MAREUIL.
Paru dans les Annales romantiques en 1826.