L’école buissonnière
À Madame Rosenlecker.
I
Là-bas, derrière le village,
Connaissez-vous le chemin creux,
Où, dans l’aubépine sauvage,
S’abritent des oiseaux heureux ?
Avant que la rosée en perles
Scintille aux rayons du soleil,
De buisson en buisson, les merles
Aux pinsons sifflent le réveil.
C’est la cachette hospitalière
De l’essaim des petits enfants,
Qui font l’école buissonnière,
À l’abri des regards méchants !
II
Le matin, quand la cloche sonne
Pour les réunir au Saint Lieu,
Il ne manque jamais personne :
Les enfants aiment le bon Dieu !
Mais si le magister appelle,
Menaçant, la férule en main,
La troupe folle, pêle-mêle,
Fuit en riant vers le chemin,
Vers la cachette hospitalière
De l’essaim des petits enfants,
Qui font l’école buissonnière,
À l’abri des regards méchants !
III
Ils vont jouer, faire la guerre,
En camps rivaux se partager,
Et, sans faire pleurer la mère,
Ils vont s’exercer au danger !
Que de cris, d’élans et d’ivresses
Dans ce bataillon de marmots,
Qui rêvent déjà les prouesses
De leurs ancêtres en sabots !
C’est la cachette hospitalière
De l’essaim des petits enfants.
Qui font l’école buissonnière,
À l’abri des regards méchants !
IV
Mais tout à coup, grande déroute !
Chacun se cache de son mieux :
Une ombre au détour de la route,
À paru : Ciel ! En voici deux !
Un couple marche avec mystère ;
Il entre dans le chemin creux !
Enfants, on vous laissera faire ;
Restez : ce sont des amoureux,
Qui font l’école buissonnière,
À l’abri des regards méchants,
Dans la cachette hospitalière
De l’essaim des petits enfants !
Jean de VILLEURS.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.