L’art de jouir
Des biens que sur nos pas sème la Providence
Jouissez, mais surtout jouissez par le cœur ;
Le plus doux des plaisirs est la reconnaissance,
Et lui seul ne connaît ni remords ni langueur.
Seul contre le venin des plaisirs de la terre
Ce plaisir saint et pur nous défend à jamais ;
Mêlée avec l’amour la joie est salutaire,
Et qui jouit en Dieu peut seul jouir en paix.
Dans les splendeurs des cieux si c’est Dieu qu’il admire,
Dans les plus doux accords si c’est Dieu qu’il entend,
Dans les parfums des fleurs si c’est Dieu qu’il respire,
Si dans tout bien c’est Dieu qu’il respire et qu’il sent ;
Surtout, si Dieu lui-même est sa première joie,
Si de tous les plaisirs son Père lui tient lieu,
Si c’est le premier vœu qu’au Seigneur il envoie,
Et si c’est, avant tout, Dieu qu’il demande à Dieu ;
Oh ! dans un tel bonheur que son âme se noie ;
Ce bonheur an devoir ne coûte jamais rien ;
Il est le devoir même ; et cette sainte joie
Ouvre dans notre cœur la source de tout bien.
Alexandre VINET.
Recueilli dans
Recueil gradué de poésies françaises,
par Frédéric Caumont, 1847.