Vers de Toussaint
Sous la pluie, en groupes muets,
Portant des fleurs et des couronnes,
S’en vont de dolentes personnes
Vers le champ clos plein de cyprès.
Auprès des tombes magnifiques
Et des caveaux en marbre blanc,
Les gens du peuple sans argent
Ont tous des airs mélancoliques.
Car ils voudraient pour l’être mort
De grandes croix de fleurs coûteuses,
Des épitaphes glorieuses,
En belles capitales d’or.
Pourtant les chemins sont les mêmes
Qui mènent, vers les paradis,
Pauvres gens et gueux enrichis
Enfouis sous les chrysanthèmes.
Vous, les humbles, n’enviez pas
Ces riches niches sépulcrales
Où les corps dorment sur les dalles
L’éternel sommeil du trépas ;
Car, le jour où les cimetières
Laisseront fuir leurs prisonniers,
Les mauvais riches usuriers
Ne pourront soulever leurs pierres,
Tandis que dans les cieux brillants,
Occupant les premières places,
Dans les grands fauteuils des espaces,
Se carreront les pauvres gens.
Jean VOLANE.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.