Le sonneur

 

 

Je voudrais me plonger dans une longue mort,

Qui viendrait déplier mes genoux, ma pensée,

Et mettant un doigt froid sur mon âme insensée,

Ralentirait beaucoup la ronde des remords.

 

Le pas de ma voisine apaise un peu ma peine,

La parole de l’art et le néant des nuits

Pourront-ils dissiper ces profondeurs d’ennuis ?

Et les évènements font des signes de haine.

 

Jamais l’après ne peut renouveler l’avant.

Art, desserra mes dents, mais pour qui ? Pour quelle âme.

Dans ce monde séché, racorni par la flamme,

Emporté dans le noir au gré du moindre vent ?

 

Mais voici la prairie ancienne et le sonneur,

Et soudain je retrouve, affaibli par l’espace,

Le grand cri du bonheur qui jamais ne se lasse.

Elle m’appelle vers lui, même au sein du malheur.

 

 

 

Jean WAHL.

 

Paru dans les Cahiers du Rhône, avril 1942.

 

 

 

 

 

 

 

 

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