Nuit IX
Majestueuse Nuit !
Ancêtre de la Terre, et du Jour fille aînée !
Ô toi qui dois survivre au soleil éphémère,
et frappes de stupeur mortels et immortels,
un diadème étoilé orne ton front d’ébène !
De l’azur ceint tes flancs ; et, tissés par le ciel,
des nuages de forme, et de teintes diverses,
drapent en vastes plis la divine parure
de ton manteau flottant ; et, dans le ciel entier,
se déroule, nombreux, ton solennel cortège.
Ton obscure splendeur, de la nature auguste
et éloquent aspect, mérite un chant de louange,
et, comme un rideau noir semé d’étoiles d’or
baissé sur mon labeur, elle achève mon acte...
Roi du Ciel ! qui te Voit face à face est heureux,
trois fois heureux ! car tu emplis l’immense vide
que le monde créé laisse au cœur des mortels !
Toi qui touchas la lèvre du fils d’Isaï
perdu dans la vision sereine de ta flamme,
et mis à l’unisson sa harpe avec les sphères,
quand, des travaux humains, ici j’ose tenter
le plus haut, veuille aider mon chant audacieux ;
affranchis-moi de ces barrières ; que mon cœur
de ce soleil, puisse passer le cercle étroit ;
viens libérer mon âme, accorde-lui l’accès
des régions de l’esprit encore inexplorées ;
et apprends-moi, par cette étonnante structure,
ces marches d’or du monde, à m’élever vers toi !
Edward YOUNG.
Traduit par Roger Martin,
dans Les préromantiques anglais.
Recueilli dans La poésie anglaise,
par Georges-Albert Astre,
Seghers, 1964.