La création du monde
Chant traditionnel
Dans un jardin couvert de fleurs,
Plein de douceurs,
Dieu créa l’homme à son image ;
Ce beau séjour
Était la preuve et le vrai gage
De son amour.
Adam était assis tout seul
Sous un tilleul ;
Étant couché sur l’herbe tendre
Tranquillement,
Un doux sommeil vint le surprendre
Dans ce moment.
Pendant qu’il dort, son Créateur
Et son Auteur
Lui enleva doucement une côte
De son côté,
En forme une charmante femme,
Rare en beauté.
Adam la voyant s’écria :
Ah ! la voilà.
Ah ! la voilà celle que j’aime,
L’os de mes os ;
Donnez-la-moi, bonté suprême,
Pour mon repos.
Adam, père du genre humain,
Prit par la main
Ève, cette charmante belle,
Sa tendre épouse,
Devant Dieu se jette avec elle
À deux genoux.
Dieu bénit ce couple charmant,
Dans le moment ;
Un berceau tissu de verdure
Fut le logis ;
De fleurs j’aime la bigarrure
De leur tapis.
Dieu prit Adam et le conduit
Auprès d’un fruit,
Lui disant : Mon fils, prends bien garde,
Ne touche pas
À ce beau fruit que tu regardes,
Crains le trépas.
De ce lieu je te fais roi,
Tout est à toi,
Mais souviens-toi de ma défense
À l’avenir,
Respecte l’arbre de la science,
Peur de mourir.
Adam prit Ève et lui montra
Cet arbre-là,
Lui disant : Mon épouse chérie,
Garde-toi bien.
De toucher là, je t’en supplie,
Pour notre bien.
Ève s’étant écartée un jour
Dans un détour,
Le serpent rencontra la belle
Et lui parla ;
Le discours qu’il eut avec elle
Cher nous coûta.
Salut à la divinité,
Rare beauté.
Perle sans prix, vivante image
Du Souverain,
Et l’ornement du bel ouvrage
De ce jardin.
Je te ferai part d’un secret
Dans ce bosquet :
J’ai acquis de la connaissance
De ce beau fruit ;
Viens donc, tu sauras la science
Qu’il a produit.
Mange ce fruit délicieux,
Ouvre les yeux.
La friande cueillit la pomme,
Elle en mangea,
Elle en porta à son cher homme,
Qui s’affligea.
Ah ! malheureuse, d’où viens-tu ?
Je suis perdu :
Quel est ce fruit ? Où est cet arbre ?
Montre-le-moi !
Mon cœur devient froid comme un marbre,
Dis-moi pourquoi.
Adam, Adam, entends ma voix,
Sors de ce bois,
Dia-moi donc pourquoi tu te caches ;
Quelle raison ?
Ne crois-tu pas que je ne sache
Ta trahison ?
Mon Créateur, j’ai reconnu
Que j’étais nu ;
Mais mon auteur, mon divin Maître,
En vérité,
J’ai honte de faire paraître
Ma nudité.
Approche ici, monstre infernal,
Auteur du mal,
Si tu as détruit l’innocence,
Dis-moi pourquoi ;
Je vais prononcer ta sentence,
Écoute-moi.
T’as servi d’organe au démon,
Point de pardon !
La terre pour ta nourriture
Tu mangeras,
Et sous ton ventre la nature
Tu ramperas.
Tu n’as pas écouté ma loi,
Femme, pourquoi ?
Mène une vie pénitente
Sens ma rigueur,
Tu souffriras, lorsque t’enfantes,
De grand’s douleurs.
Adam, tu mangeras ton pain
Avec chagrin,
Va cultiver la terre ingrate,
Sors de ce lieu,
Et n’attend plus que je te flatte :
Je suis ton Dieu.
Je te fais mes derniers adieux,
Les larmes aux yeux,
Jardin charmant, heureux parterre !
Quel triste sort !
Je vais donc cultiver la terre
Jusqu’à la mort.
Un Ange vint le consoler
Et lui parler,
Lui annonçant que le Messie
Viendrait un jour
Naître de la vierge Marie,
Pour leur amour.
Enfin le temps si désiré
Est arrivé ;
Dieu touché de notre misère,
Envoie son Fils,
Et voilà le fruit salutaire
Qu’il a promis.
Anonyme, début du XIXe siècle.