Cantique de Joseph
Chant traditionnel
– Qu’est-ce qui vous fit chanter ?
Vîtes-vous quel danger
À quitter une infidèle ?
Marie vous paraissant telle,
Vous pouviez vous en venger ;
Qu’est-ce qui vous fit changer ?
– Mon départ tout arrêté,
Et mon paquet apprêté,
Ne songeant qu’à cette chose,
Sur mon lit je me repose,
L’esprit fort inquiété,
Mon départ tout arrêté.
– Pour fléchir votre courroux,
Marie s’en vint-elle à vous,
Vous raconter le mystère,
D’une façon très sincère,
S’étant jetée à genoux,
Pour fléchir votre courroux ?
– Jamais, elle n’en dit rien
Quoiqu’elle connût fort bien
Et mon tourment et ma peine,
Quoiqu’elle en fut très-certaine ;
Sur cela point d’entretien
Jamais elle n’en dit rien.
– Ce fut sans doute un grand saint
Qui vous dit que ce dessein
Étoit une folle envie
Et que cette jalousie
À tort vous mangeoit le sein ;
Ce fut sans doute un grand saint ?
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Je viens (dit-il), Vierge, à vous,
En me mettant à genoux,
Espérant douce princesse,
Le pardon de ma faiblesse ;
Étant votre digne époux,
Je viens, Vierge sainte, à vous.
Voyez, Vierge, la douleur
Qui me pénètre le cœur
De vous avoir soupçonnée ;
Cette jalouse pensée
Me fait répandre des pleurs,
Voyez Vierge, mes douleurs,
Et la Vierge alors vers les cieux
Éleva ses chastes yeux.
Joseph, chaste et digne époux
Nous nous adressons à vous,
Vous suppliant de nous faire
Bien comprendre ce mystère ;
Ah ! de grâce, exaucez-nous,
Joseph chaste et digne époux.
Avant qu’avoir épousé,
Fûtes-vous favorisé
De quelque divin message,
Qui vous ait appris l’ouvrage
De ce verbe humanisé
Avant qu’avoir épousé ?
– Non, je n’en avais rien sçu
Qu’après que j’eus aperçu
Que Marie quoique très-sainte
Étoit devenue enceinte
Et c’étoit à mon insçu ;
Car je n’en avais rien sçu.
– Saint-Joseph, dites-le nous,
Quels sentiments eûtes-vous
Quand vous vîtes la grossesse
De la divine princesse ?
N’en fûtes-vous point jaloux ?
Saint-Joseph, dites-le nous.
– Dois-je vous entretenir
De ce fâcheux souvenir,
Et de mon inquiétude
De la peine la plus rude
Qui pût jamais survenir ?
Vous dois-je entretenir ?
– Avouez-le franchement,
Parlâtes-vous rudement ?
Ne fut-elle point grondée ?
Fut-elle point maltraitée ?
Souffrit-elle innocemment ?
Avouez-le franchement.
– Point du tout, mais je voulois,
Sans me prévaloir des lois,
M’éloigner si fort loin d’elle
Que je n’en eusse nouvelle,
Ni le moindre vent ni voix
Voilà ce que je voulois.
Louons Dieu, consolons-nous,
Dit-elle, mon cher époux ;
Le soupçon n’est pas un crime,
Il paraissait légitime ;
Mais le changement est doux,
Louons Dieu, consolons-nous.
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Je me mis à lui conter
Mon dessein de la quitter,
Et comme ma jalousie
Me faisoit haïr la vie,
Avouant sans hésiter
Mon dessein de la quitter.
La Vierge me consola.
En tout elle m’excusoit,
Elle me dit qu’elle n’osoit
Dire plus tôt le mystère,
Remettant à Dieu l’affaire,
Soumise à ce qu’il faisoit ;
En tout elle m’excusoit.
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Elle me conte à son tour
Qu’étant en sa chambre un jour
Occupée à la lecture
De la très-sainte Écriture
Elle vit devant ses yeux,
Un ange venu des cieux,
Qui lui conta le mystère
Qu’un chacun de nous révère
À ce jour en ces bas-lieux,
D’un Dieu descendu des cieux.
ANONYME.