La mort de saint Joseph
Joseph meurt... Nul n’a dit comment il dut mourir...
Il est venu sans bruit ; il a lutté sans gloire ;
Acteur silencieux d’une sublime histoire,
Un jour, il disparaît pour ne plus revenir.
Nous l’avons vu passer sur le fond de la scène,
L’Enfant-Dieu sur ses pas, la Vierge près de lui ;
Il rabotait le jour ; et les anges, la nuit,
Le mettaient au courant des complots de la haine.
Au départ de Jésus, son rôle s’achevait ;
Et sur lui désormais se taira l’Évangile.
Un soir, il dut laisser son rabot inutile
Et s’aliter, ayant Marie à son chevet.
La nuit tombait, pareille à cette nuit lointaine
Où l’Ange du Seigneur vint l’éveiller pour fuir...
Il revint, ce soir-là, pour l’aider à mourir ;
Et Joseph entendit sa voix douce et sereine.
L’Ange disait : « Joseph, fils de David, c’est moi
Encor. Repose en paix, car l’Enfant et sa mère
N’auront plus de dangers à redouter sur terre.
Ils peuvent maintenant vivre et mourir sans toi. »
* * *
Mais Joseph hésitait à s’endormir. Sans doute
Attendait-il quelqu’un qu’il désirait revoir,
Car il prêtait l’oreille aux rumeurs de la route
Et dans ses yeux passait une lueur d’espoir.
Il se dresse soudain... Un pas rompt ce silence ;
La porte du logis s’entrouvre sur la nuit,
Et Jésus, franchissant le seuil de son enfance,
Se hâte vers son père et se penche sur lui.
Comme il a dû marcher pour venir ! La poussière
Recouvre ses pieds nus et souligne ses traits ;
Mais de son clair regard émane une lumière
Dont les yeux de Joseph s’emplissent pour jamais...
Marie a murmuré : « C’est toi, mon Fils ! » Et l’ange
Se prosterne. Jésus, courbé sur le grabat,
Étreint son père ; entre eux aucun mot ne s’échange.
Jésus livre à la mort son tout premier combat !
Et dans l’ombre, la mort impuissante s’attarde...
Mais le vieil ouvrier n’attend point que, si tard,
Son Fils lui rende un cœur jeune et fort : il regarde
Le visage divin et meurt dans ce regard.
Ah ! bienheureux celui qui, l’âme confiante,
Après avoir prié, souffert et travaillé,
Un soir, s’est étendu de fatigue et d’attente,
Et puis, dans un baiser divin, s’en est allé !...
Georges d’AURAC.