Le prophète
Un chœur d’anges passait au milieu des enfers.
Pour détacher du ciel le verbe prophétique,
Il fiança son âme aux souffles des déserts,
Aussi seul que l’oiseau qui crie au bord des mers ;
L’ère venait d’unir le multiple à l’Unique ;
L’ange fait de clarté, de blancheurs éternelles
Qui chante avec la voix des orgues solennelles
Fit paraître à ses yeux son prestige tonnant
Et du cœur du prophète il sortit une flamme,
Il vit se déplier les ailes de son âme
L’aube de Dieu blanchir à l’horizon sonnant,
Il s’unit dans l’extase aux divines essences
Il atteignit le point dépassant les puissances
Où le suprême amour brille éternellement.
Le pouvoir du Très-Haut mit sur son front un signe
– « Va, d’amour enivré dans ta blancheur de cygne,
« Jette aux hommes perdus mon saint rayonnement,
« Dis le mot de pardon, de paix et d’espérance,
« Montre aux cœurs abattus une route : Clémence,
« Que la Vérité parle au néant du tombeau »
Comme un aigle royal abattu de sa sphère
Le poète, à jamais puissant et solitaire
Posant au-dessus de tout, la loi comme un flambeau
Clamait – « La certitude au fond de vos cœurs tremble
Unissez-vous à Dieu par le nœud qui rassemble. »
Il osa dire au Mal un foudroyant adieu ;
Les passants souriaient, jetant à sa misère,
Un œil indifférent ou d’ironie amère,
– « Ôtez de nos chemins ce fou qui dit voir Dieu !
« Quel étrange envoyé du suprême mystère ! »
Ô Seigneur, vos élus sont faits pour le calvaire :
Un chœur d’anges chantait étoilant le ciel bleu.
O. de BEZOBRAZOW.
Paru dans la Revue du spiritualisme moderne en 1906.