Les fils de la Vierge
Or, un soir que dormait Jésus
Bercé dans les bras de sa mère,
Vinrent des hommes inconnus,
Ayant l’aspect de la misère ;
Ils dirent : « Femme, nous voulons
Un agneau, du blé, de la toile :
Obéis, ou nous te volons
L’Enfant qui s’endort sous ton voile. »
– « Je n’ai ni toile ni froment
À vous offrir, répondit-elle,
Et dans l’étable, en ce moment,
Il ne reste plus qu’une agnelle. »
Aussitôt, l’un d’eux va chercher
L’agnelle, et fuit dans la prairie,
Et le second vient arracher
Le voile du front de Marie.
Il court ; mais, le long du chemin,
Le voile se déchire, et tombe
En menus morceaux de sa main,
Comme des plumes de colombe.
Et depuis lors, chaque printemps,
On voit, sur la plaine fleurie,
Errer dans l’air, en flocons blancs,
Les fils du voile de Marie !
Stéphan BORDÈSE,
Contes mystiques, 1890.