Sabots de la Vierge
– Il me faudrait, dit la Vierge
Qui fuyait avec Jésus,
Il me faudrait, dit la Vierge,
Des sabots pour mes pieds nus.
– Passe ton chemin, pauvresse,
Lui cria-t-on d’une auberge ;
Passe ton chemin, pauvresse,
Et que le diable t’héberge !
– Mes pieds sont las, dit la Vierge
Qui traversait un hameau ;
Mes pieds sont las, dit la Vierge,
Et je n’ai pas de sabots.
– Passe ton chemin, mendiante,
Crièrent les animaux ;
Passe ton chemin, mendiante,
Et que le diable t’entende !
– Mes pieds saignent, dit la Vierge
Qui passait près d’un ruisseau,
Mes pieds saignent, dit la Vierge,
Et je n’ai pas de sabots.
– Si ma fleur pouvait t’aider,
Cria le petit lotier,
Si ma fleur pouvait t’aider,
Te l’offrirais volontiers.
Et l’on vit la Sainte Vierge
Sourire à l’enfant Jésus
Et, s’asseyant sur la berge,
D’un lotier, chausser ses pieds nus.
Maurice CARÊME, La lanterne magique, 1947.