Le maréchal de Mouchy
par
Guy-Toussaint-Julien CARRON
Le vrai Chrétien, que l’Esprit-Saint a confirmé dans la foi, est disposé à fout souffrir pour Dieu. Toujours, dévoué et soumis à son Église, il compte pour rien les supplices et la mort ; la vertu de la Confirmation l’accompagne jusqu’à la mort.
On raconte du maréchal de Mouchy que jamais il ne rougit de pratiquer publiquement à la cour tous ses devoirs religieux. À l’époque ou la Révolution essaya d’anéantir le Christianisme en France, il ne cessa pas de se montrer Catholique. On sut que lui et son épouse assistaient des prêtres réduits à la misère pour n’avoir pas voulu agir contre leur conscience. Ils furent dénoncés, arrêtés et conduits à la Force. Le maréchal y logea dans la même cellule qu’un philosophe. Mais il y fit tous ses exercices spirituels, comme s’il avait été seul ou dans la compagnie des fidèles. Transféré avec la maréchale au Luxembourg, ils édifièrent les autres prisonniers et furent, de leur part, l’objet de la plus profonde vénération. Lorsqu’on vint chercher le maréchal pour le conduire à la Conciergerie, il pria le gendarme de ne pas faire de bruit, afin que Mme de Mouchy ne s’aperçut pas de son départ. « Il faut qu’elle vienne aussi, lui répondit-on ; elle est sur la liste ; – je vais l’avertir de descendre. » – « Non, répliqua le maréchal ; puisqu’elle doit venir, c’est moi qui l’avertirai. »
Aussitôt il va dans sa cellule et lui dit : « Madame, il faut descendre, Dieu le veut ! Adorons ses desseins. Vous êtes chrétienne ; je pars avec vous, je ne vous quitterai point. » À la nouvelle de leur départ, tous les prisonniers furent consternés. Ils ne purent voir passer les deux époux sans attendrissement. L’un d’eux s’étant écrié : « Courage, monsieur le maréchal », cet illustre vieillard répondit d’un ton ferme : « À quinze ans, je suis monté à l’assaut pour mon roi ; à prés de quatre-vingts-ans, je monterai à l’échafaud pour mon Dieu. »
Guy-Toussaint-Julien CARRON,
De l’Éducation, ou Tableaux
des plus doux sentiments de la nature, 1819.
Recueilli dans Corbeille de légendes et d’histoire,
par l’abbé Allègre, 1888.