Le bâton fleuri de saint Joseph

 

(LÉGENDE DE NOËL)

 

 

Joseph, près de la crèche, où l’Enfant-Dieu sommeille,

Entre le bœuf et l’âne adore prosterné.

Sans le quitter des yeux, depuis minuit il veille

                Sur l’enfant nouveau-né.

 

Ô Père nourricier de la Sainte Famille,

C’est vous après Marie et vous après Jésus,

Dont le nom ici-bas d’un plus doux éclat brille

                Et qu’on aime le plus !

 

Une main – le rabot la rend calleuse et dure –

S’accroche fortement au lourd bâton noueux ;

Tel il menait le bœuf, par vent, pluie et froidure

                Dans le chemin boueux.

 

L’autre main tient un lys à la blanche corolle,

Oui dans l’opaque nuit semble un astre d’argent.

Ô lys, rayonne loin, car c’est toi le symbole

                De son cœur innocent.

 

Or l’enfant vers Joseph entr’ouvre la paupière

Et lui donne un regard aussi beau que le jour ;

Puis lui fait un sourire à fendre un cœur de pierre,

                Tant il est plein d’amour.

 

Sur sa couche de paille il remue, il s’agite,

Et vers la fleur allonge un geste souverain.

On dirait qu’il prétend en faire tout de suite

                Un sceptre pour sa main.

 

Et la fleur à son tour vers l’Enfant-Dieu se penche,

Comme pour saluer en lui le roi du ciel,

Lui faisant respirer sous sa corolle blanche

                Son calice de miel.

 

Jésus de ses deux mains prend la fleur radieuse,

Savoure son parfum, contemple sa beauté ;

Et Marie en Jésus admire, bienheureuse,

                Tant de précocité.

 

Puis la Vierge à Joseph rend la fleur en main sûre ;

Mais Joseph cherche en vain son lourd bâton noueux,

Le bâton qui touchait le bœuf par la froidure

                Dans le chemin boueux.

 

Le lys avait grandi par un soudain prodige,

Et Joseph maintenant s’appuyait sur la fleur.

Son seul soutien, c’était la gracieuse tige

                Qu’il pressait sur son cœur.

 

Ainsi Jésus donna la leçon salutaire

Qu’un cœur pur comme un lys est un céleste bien,

Que candeur et vertus aux chemins de la terre

                Sont un divin soutien.

 

 

Père H. CHÉROT.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1897.

 

 

 

 

 

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