L’âme du roi Dagobert

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Jacques COLLIN DE PLANCY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’autre qui vient en magnifique arroi,

Qui, de maintien, représente un grand roi,

C’est Dagobert, fleur de chevalerie.

RONSART.

 

Le roi Dagobert, à qui nos pères n’ont pas donné sans raison le nom de Grand, mais que les sceptiques des derniers siècles ont voulu amoindrir beaucoup trop, à cause de sa dévotion, qui est toujours un grief devant les gens du demi-monde, le roi Dagobert étant venu à mourir, une vieille légende conte qu’alors un bon ermite, nommé Jean, qui s’était retiré dans un îlot voisin des côtes de la Sicile, vit passer sur les flots l’âme du roi Dagobert, entraînée dans une barque par quatre démons qui la maltraitaient en la conduisant vers l’Etna, où ils voulaient la précipiter.

L’Etna a toujours été regardé comme l’un des orifices ou des soupiraux de l’enfer.

Cependant l’âme, croyant avoir expié en partie ses fautes, paraissait sentir que la justice de Dieu se contenterait d’un reste de pénitence en purgatoire ; et elle invoquait ses protecteurs, saint Denis, saint Maurice et saint Martin, qu’elle avait toujours honorés. Les trois saints, couverts de vêtements lumineux, descendirent sur un nuage brillant, repoussèrent les démons et emportèrent la pauvre âme.

Que cette vision ait été réelle, ou qu’elle ne fût que l’effet d’un songe, elle a été consacrée par un monument remarquable, sculpté sous le règne de saint Louis. On le voit encore dans la basilique de Saint-Denis. La façade principale du tombeau de Dagobert est divisée en trois bandes. Dans celle d’en bas, on voit quatre démons, dont deux ont des oreilles d’âne, qui emmènent l’âme du roi dans une barque. La bande du milieu représente les trois saints, accompagnés de deux anges chassant les démons. Sur la bande du haut, l’âme, que porte un léger nuage, s’enlève ; et une main sort d’un rayon pour l’accueillir.

Les loustics se sont aplatis devant cette légende ; et quel inconvénient voyez-vous dans ces riantes traditions, que l’Église n’a jamais imposées, sinon le malheur qu’ont parfois les fleurs, comme les perles, de tomber sous le nez des pourceaux ?

 

 

Jacques COLLIN DE PLANCY,

Légendes de l’autre monde, s. d.

 

 

 

 

 

 

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