Les anges de Bethléem
Quand Jésus naquit dans la crèche obscure,
De blonds Séraphins, aux voûtes du ciel,
Chantaient, d’une voix divinement pure :
« Hosanna ! Gloire à Dieu ! Noël ! »
Mais prés du berceau vinrent d’autres Anges
À qui le Messie était inconnu,
Et qui ne voyaient, tremblant dans ses langes,
Qu’un pauvre enfant à demi-nu.
Comme ils regardaient le fils de Marie
Dormant, si paisible, en son froid berceau,
Un trouble envahit leur âme attendrie ;
Ils se disaient : « Comme il est beau ! »
« Son front n’est-il pas trop doux pour la terre
« Et ses yeux trop clairs pour des yeux humains ?
« On dirait plutôt qu’il est notre frère ;
« Réchauffons ses petites mains,
« Et baisons ses pieds, trop tendres sans doute,
« Que tant de cailloux ensanglanteront,
« Et son cœur trop bon, qu’au long de sa route
« Tant de chagrins affligeront. »
Puis, ils se penchaient tout près de l’oreille
De l’enfant Jésus toujours endormi ;
Ils lui murmuraient doucement : « Sommeille,
« Sommeille, ô cher petit ami !
« Sommeille longtemps. Il te faut d’avance
« Reposer du lourd fardeau des douleurs
« Que t’imposera bientôt l’existence
« Des hommes condamnés aux pleurs !... »
Mais l’enfant, ouvrant sa lèvre sereine,
Dit : « Je ne crains pas de beaucoup souffrir ;
« Je veux partager la misère humaine
« Puisque je viens pour la guérir. »
Et, dans des rayons de clartés étranges,
Jésus, se levant tout à coup, grandit ;
Et, stupéfiant les regards des Anges,
Sur une croix il s’étendit.
Lors, ayant compris le sacré mystère,
Mêlant leur cantique à celui du ciel,
Les Anges chantaient aussi, sur la terre :
« Hosanna ! Gloire à Dieu ! Noël ! »
Paul COLLIN.
Paru dans L’Année des poètes en 1892.