Loups-garous

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Jacques COLLIN DE PLANCY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

In villos abeunt vestes, in crura lacerti:

Fit lupus.

Ovide

 

Un loup-garou est un homme changé en loup, par un enchantement diabolique.

– Baram, roi de Bulgarie, prenait, par ses prestiges, la figure d’un loup ou d’un autre animal, pour épouvanter son peuple.

– Il y a des familles, où il se trouve toujours quelqu’un qui devient loup-garou. Dans la race d’un certain Antoeus, on choisissait, par le sort, un homme que l’on conduisait près d’un étang. Là il se dépouillait, pendait ses habits à un chêne, et, après avoir passé l’eau à la nage, s’enfuyait dans un désert, où il était transformé en loup, et conversait avec les loups, pendant l’espace de neuf ans. Si durant ce temps il ne voyait point d’hommes, il retournait vers le même étang, le traversait à la nage, et reprenant la forme d’homme, il rentrait chez lui et allongeait sa vieillesse de neuf ans.

– En Livonie, sur la fin du mois de décembre, il se trouve tous les ans, un bélître qui va sommer les sorciers de se rendre en certain lieu; et, s’ils y manquent, le diable les y mène de force, à coups de verge de fer, si rudement appliqués, que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers le suivent, traversant une rivière, laquelle passée, ils changent leur figure en celle d’un loup, se jettent sur les hommes et sur les troupeaux, et font mille dommages. Douze jours après, ils retournent au même fleuve, et redeviennent hommes.

– On attrapa un jour un loup-garou, qui courait dans les rues de Padoue, on lui coupa ses pattes de loup, et il reprit au même instant la forme d’homme, mais avec les bras et les pieds coupés.

– L’an 1588, en un village, distant de deux lieues d’Apchon, dans les montagnes d’Auvergne, un gentilhomme, étant sur le soir à sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa connaissance, et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur en fit promesse, et, s’étant avancé dans la plaine, il vit devant lui un gros loup qui venait à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d’arquebuse et le manqua. Le loup se jeta aussitôt sur lui et l’attaqua fort vivement. Mais l’autre, en se défendant, lui ayant coupé la patte droite, avec son couteau de chasse, le loup estropié s’enfuit et ne revint plus. Et, comme la nuit approchait, le chasseur gagna la maison de son ami, qui lui demanda s’il avait fait bonne chasse. Il tira aussitôt de sa gibecière la patte, qu’il avait coupée au prétendu loup, mais il fut bien étonné de voir cette patte convertie en main de femme, et à l’un des doigts, un anneau d’or que le gentilhomme reconnut être celui de son épouse. Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès du feu, et cachait son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de l’en tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportée; et cette malheureuse, tout éperdue, lui avoua que c’était elle en effet qui l’avait poursuivi, sous la figure d’un loup-garou; ce qui se vérifia encore, en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari, pieusement courroucé, livra sa femme à la justice et elle fut brûlée en ce monde, pour griller éternellement dans l’autre.

Boguet, qui rapporte ce conte, avec plusieurs autres de la même force, dit, en homme expérimenté, que les loups-garous s’accouplent avec les louves, et ont autant de plaisir qu’avec leurs femmes.

– Les loups-garous étaient fort communs dans le Poitou; on les y appelait la bête bigourne qui court la galipode.

Quand les bonnes gens entendent, dans les rues, les hurlements épouvantables du loup-garou, ce qui n’arrive qu’au milieu de la nuit, ils se gardent bien de mettre la tête à la fenêtre, parce que s’ils avaient cette témérité, ils ne manqueraient pas d’avoir le cou tordu.

On force le loup-garou à quitter sa forme d’emprunt, en lui donnant un coup de fourche, justement entre les deux yeux. (Voyez Lycanthropie.)

Lycanthropie. – Maladie qui, dans les siècles où l’on ne voyait partout que démons, sorcelleries et maléfices, troublait l’imagination des cerveaux faibles, au point qu’ils se croyaient métamorphosés en loups-garous, et se conduisaient en conséquence.

Les mélancoliques étaient plus que les autres, disposés à devenir lycanthropes, c’est-à-dire hommes-loups.

– On présenta au célèbre médecin Pomponace un fou atteint de lycanthropie, que des villageois avaient trouvé couché dans du foin, et pris pour un loup-garou, parce qu’il se disait tel, et leur criait qu’ils eussent à s’enfuir, s’ils ne voulaient pas être mangés et étranglés comme Judas. Cependant ils l’avaient saisi, malgré ses menaces, et commençaient à l’écorcher, pour savoir s’il avait le poil de loup sous la peau, selon l’opinion du vulgaire. Mais ils le lâchèrent, dit Camerarius, à la demande de Pomponace qui le guérit de sa maladie.

– Les sorciers et leurs partisans s’appuyaient des métamorphoses de l’âne d’or d’Apulée, comme d’une histoire bien véritable, pour prouver que la lycanthropie n’est pas une maladie de l’imagination, mais une véritable transformation. Cependant Apulée a dit lui-même, pour les sots à qui il faut tout dire, que son ouvrage n’était qu’une fable. Ego tibi, sermone isto, varias fabellas conseram.

– À côté de la lycanthropie, les démonomanes placent la cynanthropie, espèce de démence où des malheureux se croyaient transformés en chiens; et la bousopie ou bousanthropie, autre maladie d’esprit (en supposant que l’esprit se soit logé quelquefois chez des gens superstitieux), qui frappait certains visionnaires, et leur persuadait qu’ils étaient changés en boeufs. Mais les cynanthropes et les bousanthropes ne sont pas communs dans les fastes de la magie. (Voyez Loups-garous.)

 

 

 

Jacques COLLIN DE PLANCY,

Dictionnaire infernal.

 

Paru dans: Les morsures du loup-garou,

anthologie présentée par Alain Pozzuoli,

Paris, Les Belles Lettres, 2004.

 

 

 

 

 

 

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