Les roses de Nazareth
(D’APRÈS PLESCHTSCHEEFF)
L’ENFANT JÉSUS avait un très joli jardin
Qu’il se plaisait à cultiver lui-même.
De beaux rosiers le parterre était plein
Et chaque jour, dès l’aube du matin,
Le doux enfant de sa mignonne main
Les arrosait avec un soin extrême.
Il projetait, quand la belle saison
Aurait ouvert les fleurs fraîches écloses,
De couronner son front de guirlandes de roses.
Lorsque le temps vint de la floraison,
Il invita dans son humble maison
Tous les petits Hébreux du voisinage,
Qui, sans ménagement, comme on fait à cet âge,
Mirent le jardin au pillage.
Des fleurs et des boutons ce fut un tel carnage
Qu’on n’en laissa point pour Jésus.
Des bambins la joie était grande ;
Pourtant, craignant la réprimande,
Ils prirent tous un air confus
Et dirent : « Maintenant, ami, tu n’auras plus
De quoi te faire une guirlande.
Nous t’avons dépouillé.
– N’en ayez point souci,
Reprit en souriant Jésus. C’est bien ainsi.
Si mes roses sont dévastées,
Il me suffira, pour ma part,
Des épines qui sont restées. »
Et, comme un feu soudain brillait dans son regard,
D’obéir à sa voix les enfants s’empressèrent.
S’étant baissés, ils ramassèrent
Les épines, puis, les tressant,
Firent une couronne. Et quand elle fut prête,
Jésus, calme, la mit sur son front innocent.
Et d’un éclat resplendissant
On vit, au lieu de fleurs, sur sa petite tête
Rayonner des gouttes de sang.
Paul COLLIN,
Trente poésies russes,
1844.