La Vierge à la crèche

 

 

Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,

La Vierge berçait son Enfant-Jésus.

Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.

Elle le berçait, et chantait tout bas

Ce que nous chantons à nos petits anges...

Mais l’Enfant-Jésus ne s’endormait pas.

 

Étonné, ravi de ce qu’il entend,

Il rit dans sa crèche, et s’en va chantant

Comme un saint lévite et comme un choriste ;

Il bat la mesure avec ses deux bras,

et la sainte Vierge est triste, bien triste,

De voir son Jésus qui ne s’endort pas.

 

« Doux Jésus, lui dit la mère en tremblant,

« Dormez, mon agneau, mon bel agneau blanc.

« Dormez ; il est tard, la lampe est éteinte.

« Votre front est rouge et vos membres las ;

« Dormez, mon amour, et dormez sans crainte. »

Mais l’Enfant-Jésus ne s’endormait pas.

 

« Il fait froid, le vent souffle, point de feu...

« Dormez, c’est la nuit, la nuit du bon Dieu.

« C’est la nuit d’amour des chastes épouses ;

« Vite, ami, cachons ces yeux sous nos draps,

« Les étoiles d’or en seraient jalouses. »

Mais l’Enfant-Jésus ne s’endormait pas.

 

« Si quelques instants vous vous endormiez,

« Les songes viendraient, en vol de ramiers,

« Et feraient leurs nids sur vos deux paupières,

« Ils viendront ; dormez, doux Jésus. » – Hélas !

Inutiles chants et vaines prières

Le petit Jésus ne s’endormait pas.

 

Et Marie alors, le regard voilé,

Pencha sur son fils un front désolé,

« Vous ne dormez pas, votre mère pleure,

« Votre mère pleure, ô mon bel ami... »

Des larmes coulaient de ses yeux ; sur l’heure,

Le petit Jésus s’était endormi.

 

 

 

Alphonse DAUDET, Les Amoureuses.

 

 

 

 

 

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