Le petit bègue

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Marceline DESBORDES-VALMORE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

 

L’ÉCOLE

 

 

Ah ! qu’une école laisse de souvenirs aux enfants qui s’y sont agités pour devenir des hommes ! aux mères qui sont allées presser leurs cœurs contre ses portes fermées entre elles et leurs enfants ! Chers objets de nos amours pleins de sacrifices, chères abeilles de ces ruches où vous allez préparer le miel de toute votre vie, pourquoi n’y portez-vous pas les grâces innocentes du foyer, la douceur paisible de vos premiers jeux ? Pourquoi les aiguillons qui poussent à vos lèvres servent-ils souvent à piquer vos camarades, qui ont pleuré comme vous de cette première offrande faite à l’ordre social qui veut des hommes graves, des savants, des penseurs !... Une larme de votre mère vous en dira plus que moi, elle vous rappellera l’indulgence divine dont elle a enveloppé vos premiers cris et vous en aurez pour vos petits compagnons ; vous en aurez pour tout le monde. Moi, je n’ai qu’à vous dire l’histoire du pauvre René.

René, mal vêtu, mal tourné, gauche et timide comme la misère honnête, entra, par je ne sais par quelle protection, dans un grand pensionnat de Chalons.

Encore rouge et pâle de pleurs d’avoir quitté sa mère, le cœur gonflé d’une inexprimable tristesse, il regardait tout avec des yeux stupides, ne répondait rien aux questions bruyantes dont l’accablait l’école et devenait sourd du bourdonnement de ces voix confuses. La voix, l’adieu de sa mère retiraient toute son intelligence à son cœur. Il resta immobile, le sourcil froncé, les yeux à demi fermés, au grand divertissement des habitués, qui l’isolèrent au milieu d’un rond qu’ils formèrent en se tenant par la main, tournant autour de lui avec une vélocité d’écolier, et criant à lui briser le tympan :

– Honneur au discours de réception ! prix d’éloquence au camarade ! dans quelle langue dit-il bonjour ?

À tout cela René n’ouvrit pas la bouche.

Ils finirent même par s’impatienter d’insulter cette bûche, et coururent à la picorée d’autres jeux pour remplir l’heure si belle, si furtive de la récréation.

Le soir, las d’une séance où il n’avait rien compris, d’une route à pied, et de son cœur gonflé de larmes, René s’endormit d’un sommeil si lourd, si léthargique, sur un banc du réfectoire, qu’il ne sentit pas les milles piqûres dont il était l’immobile objet, comme le mannequin d’un monstre qui servait à l’éducation attaquante des dogues que les chevaliers du Moyen Âge dressaient contre lui.

Le bon René, dont la douleur n’était pas belle, l’accoutrement peu moderne, d’une coupe grossière, donnant à ses neuf ans le poids d’un Savoyard de quarante, fut pris en goût par vingt écoliers qui ne dormaient pas, pour faire éclore cent traits d’esprit qu’ils jugeaient très brillants et très fins ! L’un trouvait charmant de chatouiller ses lèvres avec une plume, ce qui lui faisait faire d’étranges grimaces sans s’éveiller ; mais cette convulsion souffrante d’un être dont on tourmente la fatigue se révélait sur son jeune visage avec je ne sais quel charme comique dont les tourmenteurs étaient aux anges. Quand le rire étouffé s’éteignait une seconde pour reprendre haleine, un de ces messieurs venait poser adroitement sur le nez sans défense du dormeur un long cornet de papier terminé en trompette et les applaudissements n’osant éclater de peur, disaient-ils, de réveiller la bête, un hourra général, traduit par des coups de talons imitatifs, faisait rouler la joie autour de cette bande de petits anges tombés, permettez-moi de leur donner ce nom, bien qu’ils aient pu se relever plus tard.

On avait coiffé René des plus risibles bonnets, on venait de l’étendre tout de son long par terre, pour jouer au mort, disaient-ils, sans qu’il ait donné d’autre signe de vie que ces contractions nerveuses des yeux et des lèvres qui les faisaient mourir de rire. Quand un plus hardi, voulant réchauffer la scène, dit à son voisin : « Tiens-le ! tiens-le ! » et vint porter jusque sous ces narines entrouvertes la flamme épaisse d’une lampe qu’il détacha du mur, René ne poussa qu’un rugissement sourd, comme un jeune lion qui n’a pas encore combattu, mais dont on provoque imprudemment la force. Il se soulève à demi, les yeux encore baignés de sommeil et de ses derniers pleurs, saisit par les jambes les deux assaillants effrayés, les roule avec lui, sous lui, les crible de coups de poing, de coups de pied qui tombent si heureusement à leur adresse, qu’on n’entend plus rire, mais crier :

– Aie ! tu me casses la tête ! tu m’étrangles ! À moi, Jules ! Achille, à moi ! au secours ! monsieur le recteur !

Il accourut en effet à ce singulier combat, dont les témoins cherchent à se sauver, en criant : « Ce n’est pas moi ! » et dont le vainqueur toujours endormi tape comme un désespéré, sur le cauchemar dont il ne devine seulement pas la forme. Il continua néanmoins de rugir et de se battre instinctivement avec une telle vigueur de courage, qu’il les eut étranglés peut-être dans une entière innocence, comme Hercule au berceau mit à mort le serpent qui venait s’attaquer à son sommeil.

Plus personne, ni cette nuit, ni jamais, n’eut dans le dortoir la fantaisie d’aller passer une plume ou du feu dans les naseaux de la bête, bien que René ne se fût pas réveillé une seconde dans l’orgueil de la victoire. Il n’en eut pas même le souvenir, en se retrouvant le lendemain dans un lit qu’il ne connaissait pas encore, qui n’était plus près de celui de sa mère, et où on l’avait roulé tout d’une pièce après qu’on fut parvenu à détacher ses bras nerveux comme incrustés au corps des amateurs de malices.

Il ne sentit qu’une lassitude vague, dont la cause lui resta inconnue. Ceux qui s’en ressouvenaient le plus avaient, outre cette lassitude, plusieurs bosses, plusieurs empreintes d’ongles incultes et de souliers ferrés, dont il souffrirent beaucoup, mais dont ils ne demandèrent pas raison au réveil paisible de René.

On ne savait encore de quelle couleur étaient ses paroles quand il fut interpellé solennellement par le recteur. Au nom de René Beaumal, vous devinez que ce fût comme une seule tête qui se leva de dessus vingt livres posés ouverts sur les tables. Un fil d’électricité n’eût pas tourné plus rapidement quarante yeux ardents vers celui qu’on nommait, à leur grande joie, René !

– Levez-vous donc, René ! s’écria le recteur.

– Il ne se lèvera pas ! il ne se lèvera pas.... murmurèrent les écoliers sans avoir l’air d’y toucher.

– Silence, là-bas ! lança le recteur d’une voix qui fit retomber tous les yeux sur les livres qui leur servaient de maintien.

Alors René fut interrogé sur ce qu’il ne savait pas encore. Sa bouche s’ouvrit au moins cinq fois, sans laisser échapper autre chose que l’air qui remplissait sa poitrine oppressée.

– Il parlera ! il ne parlera pas ! il parlera ! il ne parlera pas ! dirent les impitoyables dans un bourdonnement qui laissait une chance à la négation.

– Si vous ne voulez pas me parler, René, insista le recteur qui n’avait pas de temps à perdre, vous serez mis à la porte. Savez-vous votre leçon ?

– Ma le....le....leçon ?

– Eh bien ! oui, quoi ! elle n’est pas bien longue, je crois !

– Elle....elle....elle....

– Ah ! mon Dieu qu’est-ce qu’il a donc mangé, hasarda un malin sous son livre, et de rire !

Quand le silence fut rétabli, et l’effroi de René plus glaçant que jamais, il voulut en finir avec son sort, car il croyait toucher au dernier moment de sa vie. Il poussa au-dehors ce qu’il crut être son âme, et bégaya :

– On m’a....m’a....m’a....

Ô joie d’école ! ô découverte pleine d’avenir et de moqueries !

René était bègue. C’était à l’adorer, c’était à n’en plus douter, c’était à frémir d’espérance à chaque parole qui allait prendre une forme inattendue sous cette langue esclave. Les deux blessés furent guéris. Ils burent joyeusement l’humiliation du jeune infirme qui faisait oublier la douleur, et ils ne cachèrent plus leurs contusions.

Que faut-il vous dire de tout ce que souffrit l’humble et patiente créature, servant de risée à cette petite populace fanfaronne ? C’est à ne pas rendre, à souffrir de se le rappeler, à haïr, si l’on pouvait haïr, ceux qui amassèrent sur lui plus de maux que l’infortune et la nature, un moment distraite en le formant, n’en avait laissé choir sur cet inoffensif et pauvre garçon. C’était peu d’être bègue, lent à démêler sa pensée sous les nuages que la raillerie amoncelait autour de sa tête humiliée, il devint presque muet ; car il avait tant de crainte de faire rire en parlant, qu’il ne parlait plus. Les mots les plus brefs lui causaient des peines infinies à sortir de ces lèvres ; elles tremblaient, s’agitaient à vide, et l’effort inutile produisait une contorsion pénible qui ravissait les lâches oppresseurs de René.

Une douleur vive qu’ils se plaisaient à lui faire sentir tous les matins sans qu’il osât s’en plaindre, c’était de l’éveiller en sursaut, lui qui avait le sommeil le plus complet de son âge, ce sommeil de marmotte, dans lequel toute la vie extérieure est suspendue ou cachée, où pas un cheveu ne bouge, et que les mères ont tant peur de troubler ! C’était la joie des lutins rassemblés autour de ce pauvre enfant immobile, qui riaient aux anges, comme on dit. Ils poussaient tout à coup une clameur si furieuse dans l’oreille du dormeur, qu’il bondissait hors de son lit, tandis que les écoliers, sans paraître s’occuper de lui, filaient en chantonnant de côté et d’autre. C’était du beau ! de quoi les rendre bien fiers : je vous laisse y penser.

René s’habillait triste et comme ivre de cette fanfare qui le rendait au mouvement avec une violence propre à lui rompre le cœur. Pauvre René ! ce n’était plus ce réveil entrouvert par une voix douce, qui coulait d’abord à son âme. Il n’y avait plus de main caressante qui roulait sur son front comme pour en écarter le sommeil. Il n’entendait plus cette femme absente lui souffler patiemment : « Allons, René ! allons, mon garçon ! c’est jour ! » Et le prendre, et rire tout bas et l’habiller à demi, et répéter : « Allons ! » jusqu’à ce qu’il rît à son tour, en ouvrant ses yeux doux et pleins de pitié, de cette femme, dont la bonté l’avait rendu bon jusqu’au cœur !

Oh ! respectez le sommeil de l’enfance. Qui sait si ce n’est pas alors que l’âme rend sa visite à Dieu.

 

 

 

II

 

 

LES PETITS NAGEURS

 

 

On arriva ainsi jusqu’en juillet 1830. L’extrême chaleur ralentissait parfois le courage des écoliers. René savait lire et causait souvent tout bas avec ses livres, ses bons amis, qui ne lui faisaient pas la grimace. Il savait écrire et il parlait de cette manière sans bégayer. On trouvait sur toutes ses pages :

– Bonjour, ma mère ! comment vous portez-vous ?

– J’aime mon père et ma mère.

– Je voudrais bien aller voir ma mère !

– Quand je serai grand, je soignerai ma mère, et je la laisserai dormir ! Elle dormira si elle veut jusqu’à huit heures.

– Oh ! je voudrais qu’il ne fît jour qu’à huit heures !

Sa parole écrite était correcte et vraie ; son écriture presque élégante. « Ma mère » était surtout enjolivé de traits tout à fait jolis. C’était comme une manière de couronne qu’il avait un sérieux plaisir à composer autour. Il se croyait heureux quand on le laissait là, quand il marchait vite, seul et libre, le nez au vent, jetant ses bras devant lui, sur sa tête, en tous sens, comme un être fort qui veut grandir. Personne dans l’école ne le haïssait, il ne troublait personne, il était même aimé comme une espèce de joujou solide sur lequel on se jetait quand les autres étaient cassés.

On l’appelait souvent bègue-bête pour rire, et plus souvent bonne-bête. Quelques ricaneurs peut-être avaient rencontré ses yeux ; c’étaient de ces yeux qui lancent une pensée toute chaude, toute claire ; son regard ne bégayait pas plus que son âme ; vous allez voir ! Car je l’aime, moi, ce petit René ; je veux vous le raconter des pieds à la tête.

Ce jour-là, en juillet, un jour tout de feu et de vacances, on alla se baigner. Toute l’école avait soif d’eau, de cette belle eau dont le bruit rafraîchit l’oreille, dont le courant plein de perles blanches semble entrer par les yeux dans l’imagination altérée de ceux qui la regardent.

Dernier venu dans l’école, à l’époque de l’année où les bains de rivière sont clos jusqu’à l’autre été, René ne savait pas nager.

– René, lui dit-on, vous veillerez sur les habits et vous regarderez comme font les autres pour vous déniaiser un peu. Le maître de natation vous commencera bientôt.

René avait répondu oui, par un signe de tête ; car il avait toujours l’épouvante de dire : « Ou... ou....oui ! » C’était plus fort que lui.

– Messieurs, vous m’attendrez ! dit le sous-maître qui avait oublié je ne sais quoi et qui les laissa aller en avant. Que pas un de vous ne se déshabille avant mon retour ! je connais la rivière ; il y a une petite barre dangereuse. Restez tous tranquilles, sur votre parole d’honneur !

– Parole d’honneur ! parole d’honneur ! répondirent en s’égosillant les écoliers, qui ne demandent jamais mieux que de lancer une exclamation dans l’air.

Mais on n’a trop de raison de dire « autant en emporte le vent ». Je voudrais qu’on réfléchît longtemps avant de dire « parole d’honneur » pour une chose à venir.

Achille pouvait conduire ce bataillon civil, car Achille avait treize ans. C’était un grand garçon droit comme une flèche, blond, joli, prompt comme un épervier. Quand il voulait un plaisir, sur l’eau, sous l’eau, n’importe, il s’élançait au but, la tête la première ; chacun de ses mouvements avait l’air de crier : « Gare que je passe ! » Il n’avait pas dit tout à fait « parole d’honneur », comme les autres, mais seulement « eur, eur, eur ! », ce qui n’engage à rien du tout, ce qui n’est qu’un cri comme un autre.

Voilà donc ce héros des rivières poussé par l’orgueil de l’indépendance, attiré par le bruit frais du large bain qui les attendait tous, le voilà en deux secondes, sans habit, sans bas, sans chemise, dans l’eau ! Vous jugez de l’étonnement des autres qui regardaient, la bouche béante, le plongeur hardi, si pressé de déployer ses habiles manœuvres, que toute prudence l’abandonna. Il but, il tourna, il eut peur et disparut devant l’inexprimable terreur de ses camarades qui poussèrent des plaintes vers le ciel, sans pouvoir détacher leurs pieds du sol où ils semblaient attachés par force.

René fit trois pas en arrière, et d’une voix hurlante de douleur, cria vers le sous-maître dont les cheveux se dressèrent d’effroi :

– Secours ! secours !

Alors, jetant son habit à la tête des écoliers tremblants qu’il bouscula dans un trouble intelligent, il bondit juste à la place où avait coulé son camarade. Sa chute les couvrit d’eau et leur fit froid.

– Il ne sait pas nager ! disaient les enfants pâles en se tordant les mains, et s’embrassant à demi-morts.

Deux petits étaient tombés à genoux pour ne pas voir et sanglotaient. Le sous-maître, suffoqué de poussière, accourait de toutes les forces de sa vie ; mais que c’était lent devant la mort qui va si vite, si vite qu’Achille, étouffé par la suffocation de l’eau et de la peur, ne pouvait plus seconder René qui le tenait par les cheveux d’une main infatigable, nageait des pieds et de l’autre main avec l’instinct sublime d’un chien qu’on jette à l’eau pour la première fois. Ses yeux ardents, ses mouvements souples et rapides, l’inébranlable idée de sauver son fardeau en le poussant vers le bord, et quelque ange arrêté peut-être devant sa généreuse imprudence, le soutinrent longtemps. Tout à coup il s’enfonce..., un silence d’horreur répond seul au précepteur haletant qui atteignait cette scène de désolation.

– Où sont-ils ? dit le pauvre maître dont les dents claquent d’impatience et qui se déshabille en les interrogeant.

– Là ! montrent les enfants, où tout s’était englouti.

Mais ce n’était plus là.

René, comme attiré vers le bord par une puissance divine, y paraît à l’instant, traînant après lui sa proie évanouie, sans qu’il semble trop surpris de ce prodige. Il eût fallu lui couper le bras pour l’en séparer ; car ses doigts étaient si prodigieusement serrés dans les cheveux d’Achille, que sa main saignait, déchirée de ses propres ongles.

Les acclamations qui le reçurent l’effrayèrent d’abord, et il se remit à crier : « Secours ! secours ! », pensant que le pauvre Achille n’était pas entièrement sauvé. Mais il était sauvé, ivre et faible encore, étendu sur le gravier que le soleil rendait brûlant. Il regardait René nu comme lui, René, que des souvenirs confus, des fils noués entre eux pour l’avenir tout entier, lui faisaient chercher, contempler comme son sauveur. Bénédiction ! il revenait à la vie par la reconnaissance. Leurs yeux ne pouvaient se détacher l’un de l’autre.

– Oh ! comment t’es-tu jeté ainsi sans savoir nager ? lui dit-on en l’accablant de caresses et de questions.

– Je ne l’ai pas senti, réplique René avec feu : tout ce que je sais, c’est que j’étais sur les cailloux, et que tout d’un coup, je me suis trouvé dans l’eau : j’ai vu clair, j’ai vu jusqu’au fond, j’y suis descendu comme par un escalier glissant ; j’ai trouvé sa tête j’ai dit : Bon ! à présent, il faut revenir. Et j’ai poussé devant nous. Le chemin s’ouvrait tout seul ; je n’ai pas eu de peine ; seulement, j’ai cru une fois qu’il s’enfonçait sous moi, et j’ai coulé dessous pour voir. Alors avec deux bons coups de pieds, si fort que je n’en respirais plus, j’ai tout jeté de ce côté, et le voilà ! termina-t-il avec un rire plein de larmes.

Il ne bégayait plus.

– Tu parles comme tu nages ! lui dit le précepteur en secouant sa main, transporté d’admiration, tandis que les autres faisaient cercle pour écouter son récit plein de candeur.

– C’est, mon Dieu, vrai ! répliqua René en s’écoutant parler avec autant de surprise que de joie. J’ai dit tout ça couramment. Avez-vous bien entendu ? ajouta-t-il pour s’assurer que ce n’était pas un rêve.

– Oui, mon bon petit garçon, dit le maître, en le couvrant de caresses ; oui ! aussi couramment que je te proclame une digne créature !

– Oh ! je parlerai donc comme un autre à présent ! on ne se moquera plus de moi !

– Non ! non ! Vive René ! cria toute l’école en l’emportant dans ses bras.

– Oh ! quand ma mère va savoir que je ne suis plus bègue ! dit l’enfant.

 

 

 

Marceline DESBORDES-VALMORE,

Le livre des mères et des enfants, 1840.

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net