Les noces de Cana

 

 

Comme on levait très haut les cratères fleuris,

Et que le vin manquait dans les celliers arides,

Jésus prit en pitié les hôtes, ses amis,

Et dit qu’on apportât les grandes jarres vides.

 

Puis il les fit remplir d’une onde de cristal.

Tandis que l’eau coulait dans les vases de pierre,

Les joyeux invités du repas nuptial

Se penchaient vers Jésus qui semblait en prière.

 

Ils riaient de ce jeu qu’ils trouvaient puéril,

Et, se montrant l’auteur de ces bizarreries,

Ils redoublaient le bruit narquois de leur babil,

Et l’hôte s’attristait de leurs plaisanteries.

 

Jésus, pourtant, disait : « Que l’eau se change en vin ! »

Et les rires alors partirent en fusée...

Mais, s’étant approché, le Maître du festin

Plongea son verre aux flancs de l’amphore évasée.

 

Et, l’élevant auprès des grands flambeaux dorés,

Il l’offrit aux regards de la folle assistance.

Or, la coupe tomba de ses doigts desserrés,

Et dans toute la salle il se fit un silence.

 

Vermeil comme le sang des Automnes défunts

Un liquide nouveau remplissait chaque amphore.

Il rougissait le sol, exhalait ses parfums,

Et la face du Christ semblait un météore.

 

Il dit, en regardant doucement les époux

Et les railleurs témoins de ce prodige insigne :

« Buvez donc à présent, et réjouissez-vous ! »

Mais ils n’avaient plus soif de la terrestre vigne.

 

Sous les arceaux de marbre enguirlandés de fleurs

Montaient seuls les accords d’une douce harmonie.

Le ciel semblait s’ouvrir à d’étranges lueurs...

Lorsqu’on passa le vin, la fête était finie.

 

 

 

Charles DROULERS, 1900.

 

Recueilli dans Poètes du Nord 1880-1902 :

Morceaux choisis, par A.-M. Gossez, 1902.

 

 

 

 

 

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