La légende de l’hirondelle
Un jour d’avril, dans la campagne ensoleillée,
Jésus, pour amuser ses petits compagnons,
Modelait, en jouant, de l’argile mouillée ;
Et, de ses mains d’amour, naissaient des oisillons
Qu’il posait sur le sol, les ailes étendues...
Or, un pharisien passa : « Hé quoi ! » petits,
Ignorez-vous qu’il est des choses défendues,
Et qu’un jour de sabbat nul travail n’est permis ?...
Et, brutal, il voulut écraser l’œuvre frêle ;
Mais Jésus fit un geste et, soudain, s’animant,
Les oiseaux, vers le ciel, fuirent à tire-d’aile...
Ils gagnèrent le toit qui, protégeant l’Enfant,
Saurait garder aussi leur demeure fragile.
Et là, loin des méchants, à l’abri du malheur,
Ils bâtirent leur nid avec la même argile.
Plus tard, lorsque Jésus marchant à la douleur,
Sous la croix écrasé, monta vers le Calvaire,
Ils firent, avec lui, la route en gémissant...
Plus tard encor, quand sur sa face sans colère,
La couronne eut tracé comme un sillon de sang,
Pour adoucir un peu les souffrances divines,
Pour soulager Celui qui fut toute bonté,
Les oiseaux, une à une, ôtèrent les épines
Dont les pointes trouaient le front ensanglanté,
Tandis que le frisson caressant de leurs ailes
Faisait l’air étouffant plus léger et plus pur,
Et moins lourdes passaient les heures éternelles.
Jésus agonisait lentement sous l’azur...
Soudain, dans un élan suprême, il rendit l’âme.
Le soleil s’obscurcit, le ciel bleu se troubla ;
On entendit, dans l’ombre, une plainte de femme,
Et le vol attristé des oiseaux s’en alla...
Mais, avant de quitter le Maître, l’hirondelle
Prit le deuil qui, depuis, n’a plus quitté son aile.
Georges DROUX.