De profundis
ÉPISODE MARITIME
par
Charles-Auguste DURAND
À Monsieur H. Gourdon de Genouillac,
hommage respectueux.
I
Le vent soufflait avec rage. On voyait au ciel de gros nuages déchiquetés, accourant de l’Ouest et se poursuivant comme des haillons de sorcières dans un sabbat infernal...
Fouettée par l’ouragan, la mer se tordait et bondissait à des hauteurs monstrueuses, pour se rouler ensuite avec un fracas d’avalanche jusqu’au pied des falaises... Le flot, en se retirant, beuglait de la voix terrible d’un monstre enchaîné.
La nuit tombait. Au loin, le Havre s’allumait ; mais les quais restaient déserts et mornes, et les abords de la ville présentaient ce tableau de mélancolie qui s’encadre toujours dans les convulsions de la tempête...
Au rez-de-chaussée du phare qui se dresse à l’extrémité de la jetée Nord, deux hommes étaient assis et prêtaient l’oreille aux bruits du dehors.
Le plus âgé de ces deux hommes avait la figure rude et hâlée des gens habitués à la mer. Une barbe courte, taillée en fer à cheval, donnait à son visage je ne sais quelle expression de hardiesse, complétée par le regard vif et perçant de deux yeux à demi cachés sous d’épais sourcils. Tout le reste de sa physionomie répondait à cette première impression ; mais on devinait vite, sous cette enveloppe presque farouche, un cœur doux et sensible, une âme droite et généreuse.
Il était vêtu d’une vareuse de forte laine et d’un pantalon de toile grossière dont les jambes disparaissaient dans d’énormes bottes montant au-dessus des genoux. Un chapeau de cuir goudronné complétait cet accoutrement, sinon gracieux, du moins conforme aux circonstances.
Son compagnon était vêtu d’une façon analogue. Mais sous le vaste chapeau apparaissait une figure toute jeune, bien qu’elle respirât déjà une certaine énergie.
Le premier pouvait avoir cinquante ans, l’autre n’en avait pas vingt.
Le vieux fumait dans une de ces courtes pipes que les matelots ont baptisées du nom de « brûle-gueule ». Mais s’il s’acquittait de cette opération avec une impassibilité que les bruits du dehors ne pouvaient ébranler, son compagnon, lui, semblait inquiet et, de temps en temps, quittait son siège pour aller regarder par la petite fenêtre ouverte sur la mer.
Pendant une de ces allées et venues, le vieux pivota sur son tabouret et, interpellant le jeune homme :
– Eh ! bien, Raymond, encore tes idées noires !... On croirait, ma foi, à ma place, que tu n’as jamais vu de tempête !... Pourtant, cela te connaît. Je sais, moi, que tu n’as jamais pâli, au large, quand le ciel et l’eau se donnaient le mot pour nous payer une valse à leur façon... Oui mais, ici, sur le plancher des vaches, te voilà tout changé. Le plus petit coup de vent te tourne la face en crème...
– Patron, vous souvenez-vous du 12 mars ?... interrompit le jeune homme avec l’accent d’une profonde tristesse.
Le front du vieux s’assombrit. Une grosse larme roula sur sa joue hâlée. Il se leva brusquement et alla serrer en silence la main de son compagnon.
– Le 12 mars !..., gémit-il au bout d’un instant. Pardonne-moi, garçon, je l’avais oublié... Tu n’as pas oublié, toi... Ah ! c’est une date terrible dans ma vie comme dans la tienne... La mer t’a pris, ce jour-là, ton père et tes deux frères ; à moi, elle m’a ravi mes deux meilleurs amis, Gosselin, ton père, et Darnétal, le père de ma Jeanne... Ce souvenir, vois-tu, Raymond, je l’ai là, pourtant, comme si c’était d’hier... Ils allaient arracher à la mort quelques malheureux en détresse. La mort s’est vengée d’eux en les prenant, eux aussi !... Je les revois sauter dans la barque fatale. Je voulais aller avec eux. Ils me repoussèrent en me disant : « Si nous n’en revenons pas, tu resteras, toi, pour consoler les petits... » Les petits, c’était toi, Raymond, c’était elle, ma Jeanne... Alors, je ne songeais, moi, qu’à les exciter. Leur enthousiasme m’aveuglait aussi... Ils montraient du doigt le bateau naufragé, ils nous disaient : « Confiance ! nous reviendrons avec eux !... » Nous applaudissions ; moi, plus fort que les autres. Je criais : « Allez vite !... » à ces héros qui volaient à la mort !... C’était leur devoir, hélas !... Le soir, on retrouva leurs corps à la côte. Darnétal respirait encore. Quand, après deux jours d’agonie, mon vieux camarade se sentit partir à son tour : « Talbot, me dit-il, en étreignant convulsivement ma main, tu es mon plus vieil ami... j’ai toujours eu en toi la plus grande confiance... C’est pourquoi je te lègue ma petite Jeanne... Je veux qu’elle soit heureuse près de toi, comme elle le fut chez nous... Sois pour elle un père, d’abord..., puis, quand elle sera femme..., dans quatre ou cinq ans, sois pour elle un bon mari... Jure-moi, Talbot, qu’elle sera ta femme !... » Je jurai, et il mourut en mettant ma main dans celle de Jeanne...
Le vieux matelot se tut. Ses yeux, qu’il avait tenus baissés en parlant, se relevèrent sur Raymond, assis en face de lui. Une pâleur subite avait envahi les traits du jeune homme. Un tremblement de fièvre agitait tous ses membres.
Quand Talbot eut fini de parler, un gémissement sourd souleva sa poitrine, ses yeux se fermèrent. Il serait tombé si son compagnon ne s’était précipité pour le soutenir.
– Raymond, mon enfant ! cria ce dernier, en regardant avec effroi le visage blême du jeune matelot. Sainte Vierge ! il se trouve mal !... Raymond, Raymond !...
Une idée soudaine lui traversa l’esprit. Sans se lamenter davantage, il saisit le jeune homme dans ses bras robustes, ouvrit la porte et, en dépit des vagues qui venaient se briser à ses pieds et des rafales qui menaçaient de le renverser à chaque pas, il courut du côté d’une maisonnette élevée à quelque distance du phare.
Il frappa rapidement au carreau d’une fenêtre.
– Jeanne, Jeanne ! ouvre vite, cria-t-il.
La porte s’ouvrit. Une jeune fille apparut dans l’entrebâillement. Elle poussa un cri en apercevant le matelot, qui pliait sous le poids de son fardeau.
Talbot alla droit à un vaste lit dressé dans un des angles de la pièce. La jeune fille accourut avec une lumière :
– Raymond !... cria-t-elle avec effroi, en reconnaissant celui que le vieux matelot venait d’allonger sur le lit. Est-il blessé ?
– Il est évanoui, répondit Talbot, qui ne remarqua pas l’émotion de la jeune fille. J’espère que ce ne sera rien... J’ai eu la bêtise de lui rappeler de vieilles histoires qui l’ont ébranlé. Ce pauvre garçon est si sensible !... Mais, vite, Jeanne, de l’eau, du vinaigre !
Le jeune homme reprit bientôt connaissance. Son regard s’arrêta d’abord sur Jeanne qui, penchée sur lui, était occupée à lui faire respirer un chiffon trempé de vinaigre.
Le visage de la jeune fille s’empourpra. Elle recula brusquement, pendant que Talbot se penchait à son tour :
– Comment te trouves-tu, Raymond ? interrogea-t-il.
– Je suis bien faible, patron, murmura le jeune homme.
– Eh ! bien, mon garçon, repose-toi. Je retourne aux signaux. Dans une heure je reviendrai prendre de tes nouvelles.
– Ne partez pas sans moi, patron, je vais avec vous, s’écria Raymond.
Il voulut sauter du lit ; mais ses forces le trahirent et il retomba en gémissant.
– Sois donc raisonnable. Je reviens dans une heure... Tu vois bien que tu as besoin de repos, il faut se faire une raison... Si tu vas mieux tout à l’heure, alors, nous retournerons ensemble. Mais, repose-toi, je le veux... Jeanne, continua le vieux matelot en baissant la voix, veille bien sur ce garçon, et s’il se trouve encore mal, accours me chercher, mon enfant.
Il sortit. Jeanne, obéissante, s’assit auprès du lit, son ouvrage sur ses genoux.
Le jeune homme s’était assoupi. Les bruits confus de la tempête troublèrent seuls le silence de la maisonnette.
II
Elle était vraiment ravissante avec ses cheveux blonds et bouclés, qu’elle portait, fidèle à un caprice d’enfant, toujours dénoués et simplement retenus par derrière à l’aide d’un ruban presque invisible.
Des yeux azurés, une bouche mignonne, laissant entrevoir, quand elle souriait, des dents du plus bel ivoire, un corps délicatement modelé, tout en elle justifiait le surnom de petite Madone que lui avaient donné les femmes des pêcheurs d’alentour et les matelots eux-mêmes.
Plus d’un jeune cœur s’était senti troublé devant tant de charmes. Mais on savait Jeanne fiancée au pilote Talbot. Ce dernier pouvait être sûr, grâce au respect dont il était entouré, que pas un des soupirants ne tenterait d’avouer ses sentiments aux oreilles de la jeune fille.
Il y avait six ans, à l’époque où commence ce récit, que Darnétal était mort, emportant dans la tombe la promesse de Talbot.
Et chaque jour le pilote pensait :
– Il va falloir faire de cette enfant une petite femme...
Mais aussi, songeant à son serment :
– Il me semble pourtant que je serai bien usé pour échanger mon rôle de père contre celui de mari... Quelle drôle d’idée a eue là mon vieux camarade !... Enfin, Jeanne m’aime. L’enveloppe, ma foi, ne changera pas. Sous une forme ou sous une autre, la petite m’aimera toujours...
Au fond, le brave homme avait besoin de réfléchir profondément pour chasser le scrupule qui embarrassait sa pensée.
L’horrible catastrophe qui avait fait Jeanne orpheline avait aussi privé de toute famille Raymond Gosselin. Le vieux pilote, admirable de dévouement, avait pris sous sa tutelle les deux enfants.
Jeanne et Raymond vivaient à l’écart l’un de l’autre. Ce dernier n’avait jamais consenti à déserter la cabane où s’était écoulée son enfance. Mais la communauté du malheur avait établi entre eux une prompte et vive amitié.
En les regardant l’un près de l’autre, Talbot s’était dit plus d’une fois :
– Quel gentil ménage tout de même cela ferait !...
L’affection mutuelle des deux jeunes gens se transforma vite en un sentiment plus intime. Telle en fut la force que, pour ne point se trahir, ni risquer d’affliger son vieil ami qu’il croyait sincèrement épris de Jeanne, Raymond dut se résoudre à limiter ses apparitions chez le pilote.
Ce dernier n’y fit guère attention : le métier les réunissait souvent au dehors. Mais la jeune fille souffrit cruellement de cet abandon. Elle devint triste ; ses joues, fraîches et roses, se couvrirent d’une pâleur inquiétante.
– La petite est bien sûr malade, se disait Talbot.
Et il interrogeait Jeanne qui toujours s’efforçait de dissiper par un sourire l’inquiétude du vieux matelot.
Il y avait deux longs mois que Raymond n’avait revu Jeanne quand l’accident dont j’ai parlé les réunit de nouveau.
III
Au chevet du lit où le jeune homme s’était assoupi, Jeanne restait silencieuse. Ses mains tremblantes avaient dû abandonner l’aiguille qu’elles dirigeaient maladroitement. Immobile et songeuse, elle écoutait la respiration entrecoupée du matelot ; elle n’osait à peine remuer, comme si le plus léger bruit eût pu troubler le sommeil de Raymond. Mais son cœur battait bien fort et sa gorge se soulevait à coups précipités sous son corsage.
Bientôt le jeune homme s’agita sur sa couche : quelques paroles confuses sortirent de ses lèvres. Jeanne, inquiète, se pencha sur lui. Une vive rougeur couvrit son front et ses joues : c’était son nom, qu’en rêvant, Raymond redisait avec amour.
– Jeanne, Jeanne..., murmurait-il, et son visage semblait s’immobiliser dans une profonde extase.
Elle, restait penchée, palpitante, et belle à ravir sous le pourpre de ses traits. Raymond ouvrit les yeux :
– Jeanne, c’est vous, je n’ai donc pas rêvé !...
Puis, revenant à la réalité :
– Oh ! que je souffre !...
La jeune fille sentit son cœur se serrer tant ces mots contenaient de douleur cachée :
– Vous souffrez, Raymond ? interrogea-t-elle en s’efforçant de vaincre son trouble.
– Oh ! oui, beaucoup, là, au cœur !... Je souffre, Jeanne, parce que je vous aime !...
La jeune fille ne put retenir un sanglot ; elle cacha son visage dans ses mains.
– Jeanne, vous pleurez !..., balbutia le matelot, vous ai-je donc offensée ?...
Elle laissa retomber ses deux mains : Raymond vit un sourire de bonheur éclairer ses larmes.
– Vous aussi, vous m’aimez ! s’écria-t-il en se levant, et tombant aux genoux de Jeanne. Vous m’aimez et je vous aime !... Le ciel a donc permis cette fatalité !... Je vous aime, Jeanne... oh ! de toute mon âme... et c’est pourquoi je souffre, parce que je sais que je suis coupable en vous aimant... Tout à l’heure, j’ai cru que j’allais mourir. J’ai vu repasser devant mes yeux tout mon bonheur d’autrefois, mon père, mes frères... ma mère, si douce et si bonne... et j’ai senti combien j’étais seul sur cette terre maintenant que tous ces êtres aimés sont partis, à présent qu’il ne m’est plus permis de me consoler en vivant auprès de vous, non pas comme un camarade, mais comme le voudrait mon cœur... comme époux !... Tenez, même ce que je vous dis là, Jeanne, est sacrilège. Si vous m’aimez, je ne dois pas, moi, exciter votre cœur à la révolte contre l’époux qui vous est destiné... Je suis coupable... oh ! bien coupable... de prendre sa place à vos genoux !...
Il se releva brusquement. Ni lui, ni la jeune fille n’avaient entendu la porte s’ouvrir ni un pas s’annoncer derrière eux.
Le pilote était entré sans bruit. Il s’était arrêté court en les voyant, et il écoutait avec une émotion croissante.
Raymond continua :
– Jurez-moi, Jeanne, que cet amour restera enseveli au fond de votre cœur, qu’il n’en sortira jamais pour troubler le bonheur de notre ami... Talbot vous rendra heureuse. C’est un brave, un honnête marin qui vous aime et que vous devez aimer... Moi, je partirai, j’irai loin, bien loin..., et je tâcherai d’oublier... Jamais Talbot ne saura mon amour... Aimez l’époux qui vous est destiné, aimez-le comme il en est digne... comme le ciel veut que vous l’aimiez !
Un léger bruit l’interrompit ; c’était le pilote qui pleurait. Les deux jeunes gens levèrent les yeux et virent Talbot qui leur tendait les bras :
– Jeanne !... Raymond !... mes enfants !... sanglota-t-il en les pressant longuement contre sa poitrine.
Puis, parlant avec volubilité pour chasser son émotion :
– Qui est-ce qui vous défend de vous aimer ?... Eh ! j’ai juré, j’ai juré... Mais je me suis toujours dit que Darnétal avait eu une drôle d’idée. Je suis sûr que, de là-haut, il voudrait pouvoir me crier : « Talbot, mon vieux, il n’y a plus de serment qui tienne... T’imagines-tu, par exemple, que je voudrais faire de la peine à ma petite Jeanne ?... Non, non ; bien au contraire, puisque je te demandais son bonheur. Je t’ai dit de la rendre heureuse..., je me suis figuré un instant que tu étais le seul homme capable de le faire... Tu vois bien que je me suis trompé, puisqu’en voilà un autre, plus capable que toi, mon brave... Marie-les donc, Talbot, j’efface ta promesse. » Pour sûr qu’il dirait cela. Et n’est-ce pas moi le seul coupable, mes enfants ? Moi, qui aurais dû voir plus tôt que vous vous aimiez ?... Me pardonnerez-vous ?...
Pleurant et riant à la fois, Raymond et Jeanne l’interrompirent sous leurs baisers :
– Allons, mes enfants, qu’on s’embrasse devant moi, et qu’on se pardonne les vilaines paroles que j’ai entendues tout à l’heure...
Ce fut le baiser des fiançailles.
– Dans quinze jours la noce, conclut le pilote en se frottant allègrement les mains, tout juste le temps de publier les bans !...
IV
Talbot alla reprendre son poste de « guetteur » au bout de la jetée. La nuit devait être terrible... Ce fut celle du 26 Mars 1882.
Raymond et quelques matelots se joignirent au pilote.
Il y avait là l’élite des lamaneurs havrais : tous appartenaient à l’équipe des bateaux de sauvetage armés, dès la veille, en prévision d’un embarquement précipité.
Cette réunion d’hommes résolus, prêts à se dévouer à la moindre alerte, offrait un spectacle des plus majestueux. Toutes ces figures rudes, grandies par le mépris du danger, auraient pu braver la comparaison avec ces héros de Lacédémone ou de Rome, pour qui la pensée du devoir était inséparable de l’idée d’honneur et de patrie... Leur épopée eût été digne de la lyre des antiques Homérides !... Victimes sublimes du devoir ! dont la noble devise : « Sauver ou Périr », fait soudain battre le cœur : je vous salue !
Le Croisey, Le Prévost, Dessoyers, Le Blanc, Cardine, Moncus, Ménéléon, Fossey, Varescot, Ollivier, Jacquot... Phalange incomparable ! Que n’ai-je, au lieu d’une plume, le ciseau qui grave le souvenir des grands hommes au fronton des Panthéons !
Tous étaient là. Pas un ne songea à déserter, fût-ce une seconde, ce champ d’épouvante...
Assis au milieu d’eux, Raymond ne pensait plus à la tempête. Il ne songeait plus aux dangers qui pouvaient, à chaque instant, s’offrir en lutte au courage de ces hommes énergiques.
Son esprit était resté enfermé dans la chambrette, chaste nid de sa fiancée, où, sans doute, elle rêvait à lui... Avec quelle joie délicieuse ne retournerait-il pas, dès le matin, près d’elle !... Quelles douces phrases s’échangeraient entre eux !... Il pourrait maintenant, sans scrupule, garder dans les siennes les petites mains de sa bien-aimée et, – qui l’en blâmerait ? – appuyer ses lèvres contre les lèvres roses de sa Jeanne ! Et pendant que ses compagnons attendaient le jour pour mieux interroger l’horizon et braver plus sûrement cette mer sinistre, le jeune matelot aspirait après l’aube pour voler près de celle à qui son cœur pourrait enfin s’ouvrir tout entier...
Pour tous, cette nuit-là fut un siècle. Un large soupir de satisfaction s’échappa de chaque poitrine quand apparurent les premières lueurs du matin, retardées par l’état brumeux de l’atmosphère.
Ces braves, qu’une nuit sans sommeil n’avait pu vaincre, sortirent en troupe du sémaphore et se précipitèrent sur la jetée.
La mer était horrible à voir. Des montagnes d’eau déferlaient à chaque instant au-dessus de la rotonde, ébranlaient la maçonnerie, et venaient rouler avec un fracas assourdissant jusqu’au pied du sémaphore, d’où nos intrépides sauveteurs sortaient, frémissants d’héroïsme... Ces vagues gigantesques auraient terrassé des hommes ordinaires ; elles ébranlèrent à peine ces vaillants, habitués à lever le front devant la tempête.
Raymond les avait suivis. Cette fièvre héroïque, qu’il partageait maintenant, arrachait son esprit aux pensées de bonheur qui l’avaient assailli dans la nuit. – Plus avancé même que les autres, sur cette jetée où chaque pas augmentait les périls, il regardait au loin et cherchait à percer l’étendue encore sombre, serrant les poings comme s’il eût voulu imposer le silence au monstre qui se tordait devant lui.
Tout à coup sa main s’étendit vers l’horizon. Le jour plus grand permit de voir, dans la direction qu’il indiquait, un navire qui luttait avec défaillance contre les vagues. Au grand mât, un pavillon s’agitait convulsivement.
– Au canot ! au canot ! cria aussitôt le patron Le Croisey. Tous se précipitèrent à l’envi du côté de l’avant-port.
Raymond courait en avant. Au moment où, emporté par sa course, il dépassait la maison de Talbot, un cri lui fit tourner la tête. Debout sur le seuil, Jeanne lui tendait des mains suppliantes.
Le jeune matelot s’arrêta court. Les autres passèrent sans rien voir.
Jeanne s’était précipitée vers lui. Il la reçut dans ses bras.
– Raymond, tu n’iras pas... C’est la mort, et je ne veux pas, moi, que tu meures !
Le visage du matelot devint livide :
– Oh ! Jeanne, laisse-moi, supplia-t-il ; les camarades s’embarquent... Ils vont m’oublier !...
Et, fou d’héroïsme, il voulut s’arracher aux bras noués à son cou. Il entraînait la jeune fille avec lui, et Jeanne sentait ses forces l’abandonner, bien que la terreur les eût décuplées, quand un hourra prolongé ébranla l’air. C’était le canot de sauvetage qui déjà passait entre les estacades, salué par les acclamations de la foule accourue sur les quais.
– Vois, dit Jeanne avec ivresse, ils partent sans toi !...
Raymond sentit ses genoux fléchir. Puis d’abondantes larmes jaillirent de ses yeux pendant qu’il murmurait :
– Jeanne, Jeanne..., j’ai manqué à mon devoir !...
V
Il faut avoir été témoin de pareils drames pour comprendre l’émotion qui saisit tous les cœurs quand le canot, mû par vingt bras vigoureux, franchit l’extrémité des jetées.
Alors, pas un cri, pas un geste, parmi ce millier de spectateurs qui, haletants, suivaient du regard et accompagnaient de leurs vœux ces héros du dévouement...
Vingt fois on les crut perdus, quand une lame monstrueuse soulevait la barque et la rejetait dans l’abîme. Mais celle-ci reparaissait bientôt, fiévreuse sous l’impulsion des rameurs ; et on la voyait se diriger droit sur le sloop en détresse.
Ils arrivèrent tout près de ce dernier. Mais l’aborder était difficile, car, à cet endroit, un banc de rochers montrait sa crête et la mer se soulevait là en d’immenses rouleaux qui eussent vite fait chavirer le fragile canot.
On les vit alors, après un léger circuit qui les amena sur l’avant du sloop, s’arrêter comme pour l’observer... Une heure d’angoisse se passa ainsi pour la foule massée sur la jetée.
Talbot et quelques matelots observaient la marche du sauvetage.
Raymond, affaissé sur un banc, ne voulait rien voir... Il pleurait.
Jeanne, assise près de lui, ne trouvant point de mots pour consoler cette étrange douleur, restait, le regard fixe, toute pâle et frissonnante.
Soudain un cri terrible retentit, répété par des centaines de bouches :
– Perdus !... Ils sont perdus !...
Raymond se dressa. Son visage, encore baigné de larmes, eut une expression d’horreur indéfinissable, et son regard alla, d’un trait, à l’endroit où le canot se montrait encore, mais vide !...
Au même instant une main étreignit la sienne.
Jeanne étendait le bras vers la barque :
– Va, lui dit-elle, meurs ou sauve-les !...
Il la saisit avec folie dans ses bras, la pressa sur son cœur, puis, sans une parole, s’élança du côté où, déjà, les autres matelots s’étaient précipités.
VI
Quelques instants après, le second canot, enlevé vigoureusement, franchissait à son tour les jetées.
Raymond était debout à la barre... Talbot avait dû lui céder la place.
L’épouvante qui s’était emparée de la foule arrivait à son paroxysme... Qui savait si ces braves pourraient arriver à temps sur le lieu du sinistre ? N’avaient-ils pas contre eux cette mer inassouvie qui, peut-être, allait les engloutir comme les premiers ?
C’était horrible, et plus d’un détournait la tête pour ne plus voir, quand un incident nouveau vint ranimer tous les cœurs.
Du côté où le premier canot avait chaviré apparaissait un autre navire, beaucoup plus vaste que le sloop en détresse. Chacun vit distinctement une chaloupe s’en détacher et ramer avec énergie vers le canot naufragé.
Ce nouveau secours fut acclamé par mille hourras et la voix de la foule étouffa un instant celle de la tempête.
Le canot que dirigeait Raymond volait sur les vagues. La conscience d’un secours inespéré avait décuplé les forces des rameurs.
Les deux barques furent bientôt à proximité l’une de l’autre. En arrivant sur le lieu du sinistre, elles ralentirent leur marche, comme pour s’orienter. On vit les matelots se faire des signes de l’une à l’autre. Raymond était toujours debout à la barre. Tout à coup on le vit chanceler et disparaître. Une vague gigantesque, prenant le canot en poupe, l’avait emporté. Presque aussitôt, une nouvelle vague éloigna les deux barques l’une de l’autre et, aux gestes désespérés des sauveteurs, il devint certain que leur malheureux compagnon n’avait pu être sauvé.
Talbot ni Jeanne n’assistèrent à cette seconde partie du drame.
Le pilote avait trouvé la jeune fille évanouie à la place où Raymond lui avait donné le baiser suprême. En hâte, il l’avait transportée chez lui pour lui prodiguer ses soins.
Quand le soir vint, sans que son fiancé eût reparu, Jeanne, en proie au délire, répétait :
– Il est mort !... il est mort !... je lui ai ordonné de mourir !...
VII
Un soir du mois de juin 1883, le port du Havre était animé par l’arrivée d’un des grands transatlantiques qui font le service direct entre la France et l’Amérique.
Un homme franchit rapidement la passerelle qui unissait le pont du navire au quai. Il se dirigea, après une courte hésitation, vers l’entrée du port. Arrivé sur le Grand-Quai, il pénétra dans une ruelle obscure et s’arrêta bientôt à la porte d’une maison de modeste apparence. Il frappa.
Une femme âgée parut sur le seuil.
– Le capitaine est-il chez lui ? interrogea le visiteur.
– Me voici !... Que me voulez-vous ? cria une voix rude du fond de la pièce.
Le visiteur entra. Il se trouva en présence du maître du logis qui l’examina curieusement et crut devoir réitérer sa question.
L’inconnu se découvrit et se plaça sous la lumière :
– Capitaine Robert, me reconnaissez-vous ?
L’autre le fixa longuement, puis, tout à coup, recula, comme frappé de stupeur :
– Raymond Gosselin !...
Et il resta quelques instants, bouche béante, en regardant avec ahurissement le jeune homme immobile devant lui. Enfin, se hasardant à rompre le silence :
– Toi..., c’est bien toi !... Tu n’es donc pas mort !...
– De fait, puisque me voici, répondit le matelot, en souriant malgré lui.
Le capitaine lui saisit les mains.
– Mon pauvre Raymond !... Que je suis content !... Embrasse-moi donc !...
Ils s’étreignirent longuement.
– Tu vas tout me raconter, continua le capitaine. Mais tu arrives, tu dois avoir faim... Holà ! la mère, à souper pour ce garçon !...
La vieille qui, discrètement, s’était retirée dans la pièce voisine, rentra alors. Ce fut de sa part, en reconnaissant le jeune homme, une nouvelle surprise, mélangée de frayeur et suivie de près d’une seconde accolade à laquelle notre ami se prêta de bon cœur.
Il était assis, quelques instants après, devant un solide repas et se disposait, tout en mangeant, à faire le récit que réclamait son hôte.
Soudain il tressaillit ; la pâleur couvrit ses traits, pendant que son regard s’attachait avec insistance à celui du capitaine :
– Tout le monde me croit donc mort ? interrogea-t-il d’une voix mal assurée.
– Tout le monde. Qui pouvait supposer que tu avais échappé à cette catastrophe sans nom ?... On t’a vu tomber de la barque. Les camarades, en rentrant au port, ont déclaré qu’ils n’avaient pu te sauver... On a espéré quelque temps que tu avais été recueilli par les hommes de la chaloupe, puis cette opinion a été abandonnée, après quelques mois d’attente... D’où vient que la nouvelle de ton sauvetage n’a pas été envoyée ici ?
– C’est mon histoire qu’il faut vous raconter, capitaine. Écoutez-moi. Je serai bref...
Raymond épongea la sueur froide qui perlait sur son front et continua d’une voix sourde :
– Les matelots de la chaloupe, après m’avoir recueilli sans connaissance, renoncèrent à poursuivre leur sauvetage. Ils regagnèrent le navire d’où on leur faisait signe de retourner à la hâte... Quand je revins à moi, j’appris que j’étais à bord d’un bateau de Hambourg, à destination de New York... Je suppliai pour qu’on me débarquât en Angleterre. Le capitaine s’y refusa. Il fallait éviter les côtes, la tempête avait déjà retardé le navire, et les armateurs pouvaient subir les plus grandes pertes des suites d’un retard plus considérable... Il fallut me résigner. J’offris même mes services. Mais j’étais incapable de supporter la plus petite fatigue... Un matin, je restai cloué au lit, en proie à la fièvre. Pendant quelques jours le mal me balança entre la vie et la mort... Nous approchions de New York, quand la tempête nous assaillit de nouveau. Je fus réveillé, une nuit, par un matelot alsacien qui m’avait pris en affection : « Camarade, me dit-il, il faut vous lever, tout de suite. Le navire fait eau, on renonce à le sauver... Laissez-moi faire. » Il m’enleva dans ses bras robustes. L’émotion était trop forte, je m’évanouis. Quand je revins à moi, ranimé par les soins de mon sauveur, nous étions trois hommes à bord d’un léger canot, presque sans vivres, presque sans eau... Combien de temps errâmes-nous sur cette mer tourmentée ?... Comment le saurais-je ?... Je n’avais plus conscience de la vie et je m’étonne que mes compagnons ne me jetèrent pas à la mer, me croyant mort... Je me rappelle seulement qu’un vapeur allant à New York nous recueillit ; j’ai ce vague souvenir que Fritz, mon sauveur, veilla à mes côtés jusqu’au moment où nous débarquâmes en Amérique. Là, toujours grâce aux soins de ce brave cœur, on me transporta dans un hôpital... Après cela, il y a dans ma vie une lacune, capitaine... Je devins fou...
– Fou ! interrompit le capitaine avec stupéfaction.
– Oui, fou... Oh ! vous devez comprendre le choc que ma pauvre raison avait subi quand, tout à coup, je m’étais vu arraché à mes rêves de bonheur ; à la pensée que peut-être ceux que j’aimais me croyaient mort !... Je devins fou... Quand je revins à la réalité, j’étais au fond d’un hôpital, à quelques cents lieues de France ! J’étais resté là une année !... Ma guérison fut constatée et le consulat français me fournit les moyens de me rapatrier...
Le capitaine était devenu rêveur. Quand Raymond se tut il le regarda fixement :
– Que comptes-tu faire à présent ?...
– Vous m’aiderez, capitaine, à préparer ma réapparition. Ne brusquons rien, surtout. Je resterai chez vous, caché, pendant que vous irez annoncer doucement à Talbot, puis à Jeanne..., à ma fiancée...
– Ta fiancée..., répéta le capitaine avec un accent étrange.
Ses yeux évitèrent le regard inquiet du jeune matelot.
Raymond s’aperçut de cette émotion :
– Parlez, au nom du Ciel ! s’écria-t-il, Jeanne ?... Qu’est-il arrivé ?
Le capitaine hésitait à répondre.
– Oh ! pitié, pitié ! sanglota le matelot en cachant son visage dans ses mains.
Le capitaine se leva, et posant sa main sur l’épaule du jeune homme :
– Sois fort, matelot, Jeanne est mariée.
– Mariée !...
Raymond se redressa brusquement. Il comprima un instant les battements désordonnés de son cœur :
– Avec qui ?...
– Jeanne est la femme de Talbot.
Un soupir gonfla la poitrine du jeune homme :
– Dieu l’a voulu, murmura-t-il, et Dieu est juste !...
Et, comme se parlant à lui-même :
– Oui, Dieu est juste ! Il a voulu que la volonté d’un mourant fût respectée... Mon mariage avec Jeanne eût été un crime... qu’il n’a pas permis... Cette catastrophe, cet éloignement forcé, ma folie..., tout n’est-il pas là pour le prouver ?...
– Capitaine, continua-t-il avec l’accent de la résolution, vous êtes le seul dans le pays qui me sachiez vivant... Voulez-vous me promettre d’en garder le secret ?... Vous allez me comprendre... Il y a ici deux êtres qui portent mon deuil. C’est Talbot... c’est Jeanne... Ils me pleurent, mais ils sont heureux d’un bonheur auquel le Ciel les a destinés. Ce bonheur fera leur vie... Mon devoir, à moi, est de rester dans la tombe où leurs pensées m’ont si souvent visité... Promettez-moi que jamais ils ne sauront mon retour...
– Je le jure, répondit le capitaine, visiblement ému.
– Merci. Mais dites-moi... Depuis quand Talbot et Jeanne sont-ils mariés ?
– Quelques semaines à peine. Jeanne a été longtemps malade. Le choc qui a ébranlé ta raison, dis-tu, l’a mise, elle, à deux doigts de la mort... Pendant sa maladie, – c’est Talbot lui-même qui me l’a raconté, – elle n’a eu qu’une idée fixe. Elle revoyait son père, près d’expirer, unissant la main de Talbot à la sienne, et quand ce dernier veillait à son chevet, cherchant tous les moyens de la distraire : « Donnez-moi votre main », lui disait-elle souvent. Il se rendait à son désir et elle murmurait en souriant : « Je suis heureuse et je veux être votre femme. » Le vieux Talbot pleurait sans rien dire. Mais, un jour, elle lui dit : « N’est-ce pas, ami, que nous devons nous marier ? Promettez-moi que lorsque je serai guérie nous ferons notre devoir, promettez-moi que je serai votre femme... » Il dut lui faire cette promesse. Elle guérit et, au bout de sa convalescence, elle exigea qu’on publiât les bans... Mais elle voulut garder ses habits de deuil.
– Des habits de veuve ! murmura Raymond. Jeanne a fait son devoir.
Les deux hommes restèrent un instant silencieux. Tout à coup Raymond releva la tête :
– Il le faut, s’écria-t-il. Capitaine, il faut que je les revoie... Oh ! rassurez-vous, ils ne me verront pas, eux... La nuit tombe et les quais sont obscurs... Voulez-vous m’accompagner ?
Le capitaine Robert fit un signe d’assentiment et ils sortirent.
VIII
Raymond et son compagnon arrivèrent sans être vus jusqu’à la naissance de la jetée. La maison de Talbot s’élevait tout près. Une lumière brillait aux fenêtres.
Le capitaine arrêta le matelot à quelques pas de la maison et s’avança seul. Il revint au bout d’un instant et, prenant le bras du jeune homme, il le conduisit près de la fenêtre éclairée.
– Regarde, lui dit-il, mais prends garde !
Raymond se pencha avidement.
Assise près d’une table, tout près de la fenêtre, Jeanne était là.
Elle fixait des yeux, sous la lumière vive d’une lampe, un objet caché dans sa main. Soudain cette main se porta à ses lèvres. Ce mouvement permit au matelot de voir en pleine lumière l’objet qu’elle tenait et qu’elle baisait à plusieurs reprises.
Un cri étouffé lui échappa :
– Mon portrait !... murmura-t-il, pendant qu’un tremblement convulsif s’emparait de tous ses membres.
La tête lui tourna. Il allait crier, frapper au carreau, se trahir, quand un pas lourd se fit entendre du côté de la jetée.
– Prends garde ! dit encore le capitaine. C’est Talbot. Il a pu nous voir. Laisse-moi faire.
Et, tout en parlant, il força Raymond à se blottir dans un renfoncement de la muraille. Le jeune homme resta caché pendant que son compagnon allait au devant de Talbot.
Il entendit la voix du pilote jeter un salut amical au capitaine. Il le vit s’avancer de son côté. Il reconnut le coup familier frappé au carreau... La porte s’ouvrit. Un rayon de lumière s’allongea sur le pavé du quai, et l’ombre de Jeanne se maria un instant sur le sol à celle du vieux matelot.
Raymond crut que son cœur se brisait !...
L’épreuve n’était pourtant pas finie.
La porte s’ouvrit encore, et, dans la lumière de la fenêtre, le jeune homme vit Jeanne s’avancer... La main de la jeune femme se tendit de son côté pour détacher le volet de la fenêtre.
Il aurait pu saisir cette main, crier : « Jeanne !... c’est moi !... », la prendre dans ses bras comme le jour où elle lui avait dit : « Va et meurs ! »
Il ne le fit pas !...
Le bruit de la porte qui se refermait le décida seul à sortir de sa cachette.
Il chancelait. Le capitaine, qui arrivait, dut le soutenir un instant.
– Raymond, dit-il avec une compassion mal dissimulée, il ne faut pas rester ici... Reviens chez moi, mon garçon...
– Non, capitaine, répondit le jeune matelot avec plus de calme. Vous l’avez dit : il ne faut pas rester ici... La nuit favorisera mon projet... Demain, je serai loin du Havre.
– Où vas-tu ?
– Où Dieu me conduira... N’est-il pas le maître de nos destinées ?
Les deux hommes s’embrassèrent. Raymond jeta un dernier regard vers la maison, maintenant sombre. Un sanglot déchira sa poitrine.
Puis, pressant une dernière fois la main du capitaine :
– Adieu !...
Et il se perdit dans la nuit.
Charles-Auguste DURAND (Carolus), Contes et nouvelles.