L’étoile filante
La nuit silencieuse a jeté sur la terre
Son manteau de velours constellé de saphirs,
Et bientôt, dans la paix de l’ombre et du mystère,
Tout s’endort sous le souffle embaumé des zéphirs.
Tout à coup du zénith se détache une étoile
Qui semble revenir d’un rivage lointain,
Vestale de l’azur laissant flotter son voile
Sur le sable d’argent du céleste jardin.
Elle a vu vaciller une flamme éperdue
Dans les larges courants des vents de l’infini :
– « Oh ! dit-elle, une sœur en l’espace perdue
Ou, peut-être, du ciel un vieux monde banni !
« Oh ! comme je voudrais, fixant sa course errante,
Le suspendre aux rayons de mon globe vermeil !
Il y ranimerait sa lumière mourante,
Et nous graviterions vers le même soleil. »
Et l’astre radieux dans les champs de l’espace
Vers ce monde inconnu glisse comme un trait d’or.
Mais ne dirait-on pas que son aile se lasse
Ou qu’un effroi soudain l’arrête en son essor ?
Un bruit, un sourd tumulte, une clameur immense,
Chaos affreux de cris, de plaintes, de sanglots,
Monte, monte, et des airs déchirant le silence,
Les remplit de la voix hurlante de ses flots.
« Ah ! Dieu ! c’était la terre ?... Oh ! l’horrible géhenne ! »
Dit l’astre épouvanté qui recule et s’enfuit,
Sans ramasser les plis de sa robe qui traîne
Et dont les bords brillants s’effacent dans la nuit.
J. FONTANEL.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.