À la crèche
C’est Noël, demeuré pour nos heureux bambins
Le temps même où Jésus descend chez les humains,
Attestant son passage au moyen de miracles,
Car, pas plus que leurs vœux, il ne connaît d’obstacles.
Les trois petites sœurs : Kiki, Nini, Mimi
(Bientôt cinq ans, sept ans et huit ans et demi),
Selon l’us provençal, ont une belle crèche :
Le divin Nouveau-Né rit sur la paille fraîche
Et tend à l’univers
Ses petits bras ouverts.
Où, parmi des santons guère plus grands que lui,
Outre l’âne et le bœuf, elles ont dans l’étable
Chacune un mouton blanc.
La plus sage, le soir, privilège enviable,
Place le sien au premier rang,
Tout auprès de Jésus. À la dernière place,
On voit souvent, hélas ! le mouton de Kiki.
La fillette a bon cœur, mais sans cesse jacasse,
Tracasse,
Casse ;
Et quand elle a désobéi,
Quelquefois sa maman lui dit :
« Si tu ne deviens pas gentille,
Kiki, je ne t’aimerai plus,
Et tu feras pleurer Jésus. »
Menaces sans effet, car la petite fille
Sent que ce n’est pas « pour de bon ».
Elle eut, trois jours avant Noël, un gros caprice,
Et dut, loin de Jésus, exiler son mouton.
Ce cher petit Jésus, comme il est rose et blond !
Ce n’est pas un bébé quelconque, car son front
Se nimbe d’un soleil, gloire révélatrice.
Qu’il est beau, sous l’auvent que le lierre tapisse,
Parmi les lumières, les fleurs !
Mais... ô surprise des trois sœurs !
Une larme scintille et glisse
– Goutte d’eau qui tombe d’un humide calice –
Sur sa joue aux tendres couleurs.
« C’est donc bien vrai que Jésus pleure
Quand les enfants
Font les méchants !... »
À genoux devant l’humble et divine demeure,
Kiki sent des remords cuisants :
« Vous ne pleurerez plus, Jésus, ni vous, parents,
À cause d’elle, à partir de cette heure,
Car Kiki, chaque jour, va devenir meilleure. »
M. GENÈS.
Recueilli dans Récitations enfantines,
choisies par Idola Saint-Jean,
Montréal, Granger Frères, 1927.