Notre-Dame au Calvaire
Mon fils, mon fils, je veux vous supplier,
mon doux enfant, mon bienheureux loyer,
est-ce bien fait de sa mère oublier
en telle manière ?
Regardez-moi, fils, je vous fais prière :
reconnaissez votre mère très chère
qui, pour vous, fait si très dolente chère
en pleurs piteux !
Jésus, mon fils, mon enfant gracieux,
mon ornement, mon trésor précieux,
va-t-il falloir nous départir tous deux
que mort nous lie !
Tout un sommes, vous ne l’ignorez mie :
un corps, un sang et une même vie
par une même mort requiert être ravie.
Ainsi sera :
fasse la mort du pis qu’elle pourra,
pende ton corps si haut qu’elle voudra,
ja séparer de toi ne me saura ;
c’est chose vaine !
Si ton corps pend en cette voie hautaine,
mon âme y pend par pitié qui m’y mène,
et n’as sur toi plaie tant soit gravaine
que je ne sente !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fils bienheureux, fils charmant, fils aimé,
fils gracieux de vertus animé,
de tous vivants mortel le mieux formé,
ô beauté pure,
choix des humains, fleur de toute nature,
riche joyau, parfaite pourtraicture,
regard tant doux, très bénigne stature,
face sacrée,
face adorable et d’amour éclairée,
que te voilà, hélas ! défigurée,
blême des yeux, toute de sang pourprée !
Est-ce donc vous ?
Voyez mon deuil, mon tristable courroux :
sous votre croix dolente et à genoux,
fils, de vos yeux tant précieux et doux
regardez celle
qui vous conçut, pure vierge et pucelle,
qui vous nourrit de sa tendre mamelle,
donnez regard à sa douleur mortelle,
ô mon Jésus !
Arnoul GRÉBAN, Le vrai mystère de la Passion,
adapté par Gailly de Taurines et la Tourrasse.
Recueilli dans Les plus beaux textes sur la Vierge Marie,
présentés par le Père Pie Régamey,
La Colombe, 1946.