Le cerisier

 

 

Le bon Dieu dit un jour au printemps : – Mets la table

Pour le ver et le sers de façon confortable... –

Et voilà qu’aussitôt d’un beau feuillage vert

Le cerisier se trouvé entièrement couvert.

 

Le ver de son côté se réveille et s’étonne

D’avoir pu sommeiller ainsi depuis l’automne,

Puis il baille... en frottant, le pauvret, tant qu’il peut,

Ses yeux que le sommeil fatigue encore un peu.

 

Ensuite il fait entrer ses dents silencieuses

Dans ces feuilles qui sont vraiment délicieuses,

Tout en se demandant si ce grand cerisier,

Parviendra, lui tout seul, à le rassasier.

 

Le bon Dieu dit encor au printemps : – Mets la table

Pour l’abeille et sers-la de façon confortable... –

Et voilà qu’aussitôt ce cerisier si vert,

De blanches fleurs se trouve entièrement couvert.

 

L’abeille avec amour, dès le matin s’y pose,

En se disant après une légère pause :

– Tiens, si je déjeunais avec ce café-ci ?

Il paraît qu’on ne sert qu’en porcelaine ici...

 

Quelle riche vaisselle ! – et sa langue altérée

Va puiser jusqu’au fond la liqueur éthérée

Quelle avale en pensant : – Que c’est doux ! certe, il faut

Que le sucre à ces gens ne fasse pas défaut. –

 

Le bon Dieu dit plus tard à l’été : – Mets la table

Du moineau, puis le sers de façon confortable...

– Et voilà qu’aussitôt ce cerisier si vert,

De cerises se trouvé entièrement couvert.

 

Le moineau dissimule un instant sa surprise,

Puis dit, en attaquant du bec chaque cerise :

– Ceci ne peut pas nuire à mon tempérament,

Et j’en chanterai même encor plus joliment.–

 

Plus tard le bon Dieu dit à l’automne : – Replie

La nappe, car ils ont tous la panse remplie... –

Et voilà qu’aussitôt la bise du nord part,

Et que le givre point aussi de toute part.

 

Les cerisiers depuis longtemps jaunes, rougissent,

Puis leurs feuilles en bas l’une sur l’autre gisent,

Si bien que toute chose avec le temps revient

À cette terre d’où toute chose provient.

 

Enfin le bon Dieu dit à l’hiver : – Mets en garde

Tout ce qu’ils ont laissé dans ces champs, par mégarde... –

Et voilà qu’aussitôt l’hiver jette à plein van,

Sa neige qui va tout couvrir dorénavant.

 

 

 

Jean-Pierre HEBEL.

 

Traduit de l’allemand par Max Buchon.

 

 

 

 

 

 

 

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