L’orage

 

 

Ne sachant plus où fuir, l’oiseau tout tremblant rase

Le sol, tandis qu’au front d’un ciel qui vous écrase,

Reste, comme une mer, l’orage suspendu...

Quels bruits par la montagne ! Avez-vous entendu ?

 

La paille et les copeaux pris d’égales démences,

S’envolent par les airs, en tourbillons immenses ;

Vois ce nuage qui se déchire en grondant...

Ainsi ma laine fait quand je la vais cardant.

 

Que Dieu veille sur nous... comme tout devient rouge...

Comme tout crie et craque aussitôt que l’on bouge ;

La fenêtre frémit au fond du corridor ;

Tiens, vois donc le petit, dans sa couchette, il dort !

 

Mais on sonne à Schlingen... Ah ! mon Dieu ! quel vacarme,

En haut la foudre... en bas cette cloche d’alarme...

Qu’en adviendra-t-il ? Oh !... quel coup rude et soudain...

Le tonnerre est tombé sur l’arbre du jardin.

 

Le petit dort toujours... « Quel bruit que puisse faire

La foudre, ce n’est pas, se dit-il, mon affaire ;

L’autre veille là-haut... » Il souffle et se blottit

Sur l’autre oreille. Ah oui ! dors, mon pauvre petit.

 

Vois-tu ce feu là-bas ; quelle effroyable crise...

Va donc vite accrocher ce volet qui se brise...

Tout comme l’an dernier... en tombe-t-il, bon Dieu :

Tes blés... oh ! pour le coup, tu peux leur dire adieu.

 

La pluie à grand fracas sur l’église ruisselle,

Dans la rue, on irait, ma parole, en nacelle...

Pauvre gens... ruinés... on en disait autant

L’autre fois et le mal se répara pourtant.

 

Le petit dort toujours, lui, comme tout à l’heure...

Il pense : – On pleure au ciel, eh bien, pardieu, je pleure

Bien aussi quelquefois... – C’est pourtant vrai, cela :

Il a déjà ses maux, lui, tel que le voilà.

 

Que Dieu nous donne un cœur d’enfant, où ne pénètre

Jamais l’effroi, plût-il des clous sous la fenêtre...

Oui, cela prouve bien qu’il n’est pas mensonger

Le proverbe qui mêle un ange à tout danger.

 

Tiens ; l’orage a passé... Vois donc, comme c’est drôle...

Le soleil rit aux cieux. – Ah ! tu reprends ton rôle

Trop tard, mon cher soleil. – Que non ! dit-il, vos blés

Et vos fruits ne sont pas complètement criblés...

 

Bon, voilà le petit qui s’éveille... regarde :

Quelle moue... il sourit de façon goguenarde...

– Tiens, Fritz, veux-tu dehors voir comment il y fait ? –

Il en rit, le vilain ; donne-lui son brouet.

 

 

 

Jean-Pierre HEBEL.

 

Traduit de l’allemand par Max Buchon.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net