Le collier

 

 

J’ai frappé sur la table et j’ai crié : « Assez !

Il me faut de l’espace.

Quoi ? Serai-je toujours à me plaindre et languir ?

Mes chemins, ma vie, sont libres; libres comme la route,

Amples comme le vent, vastes comme l’abondance.

Serai-je toujours un vassal ?

N’ai-je en moisson qu’épine

Pour m’ensanglanter sans même réparer

D’un fruit réconfortant cette force perdue ?

Certes il y avait du vin

Avant que l’eussent tari mes soupirs : et il y avait du grain

Avant que l’eussent noyé mes larmes.

L’année, pour moi, n’est-elle que perdue ?

Pour la couronner n’ai-je point de lauriers ?

Point de fleurs, de joyeuses guirlandes ? Tout est-il flétri ?

Tout est-il saccagé ?

Non pas, mon cœur ; il y a des fruits pourtant,

Et tu as des mains pour les saisir.

Regagne tout ton âge en plaintes dissipé,

En doublant tes plaisirs : quitte ce débat glacé

De ce qui convient et disconvient : abandonne ta cage,

Ton lien de sable,

Qu’ont fabriqué de mesquines pensées, le faisant à ton usage

Bonne corde, pour contraindre et tirer

Et devenir ta loi,

Tandis que tu clignais des yeux et ne voulais pas voir.

Assez ! attention :

Il me faut de l’espace

Ôte d’ici ta tête de mort fais un ballot de tes craintes ;

Qui refuse

De courtiser et servir son désir

Mérite son fardeau. »

Mais comme je divaguais, devenant plus farouche, plus sauvage

À chaque parole,

Je crus entendre quelqu’un qui appelait « mon enfant ! »

Je répondis : « mon Dieu ! »

 

 

 

George HERBERT.

 

Traduit par Georges-Albert Astre.

 

Recueilli dans La poésie anglaise,

par Georges-Albert Astre,

Seghers, 1964.

 

 

 

 

 

 

 

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