Le tramway
par
Francis JAMMES
IL Y AVAIT un ouvrier très travailleur, dont la femme était bonne et la petite fille jolie. Ils habitaient dans une grande ville.
Pour la fête du père, on acheta une belle salade blanche et un poulet que l’on fit rôtir. Et tout le monde était bien content, ce Dimanche matin, même le petit chat qui regardait la volaille avec un air coquin et en se disant; J’aurai de bons os à sucer.
Ils déjeunèrent, puis le père dit; Nous allons, pour une fois, nous payer le tramway et aller jusqu’aux environs.
Ils sortirent.
Ils avaient vu, bien des fois, de beaux messieurs et de belles clames faire signe au cocher du tramway, qui arrêtait alors immédiatement les chevaux pour que l’on pût monter.
Le bon ouvrier tenait sa petite fille. Sa femme et lui s’arrêtèrent au coin d’une belle rue.
Un omnibus verni s’avançait vers eux, presque vide. Et ils avaient une grande joie à penser qu’ils allaient y monter pour quatre sous chacun. Et le bon ouvrier fit signe au conducteur d’arrêter les chevaux. Mais le conducteur, voyant ces pauvres simples, les regarda avec dédain et n’arrêta pas la voiture.
Francis JAMMES, Le roman du lièvre, 1946.