Le jongleur de Notre-Dame
C’était un humble frère lai !
Durant le joli mois de Mai,
Venu au pied de Notre-Dame,
Il disait bien haut : « Je proclame
Mon désir de mieux vous aimer,
Vous prier et vous honorer...
Vous, la plus douce et la plus belle,
Mince comme une jouvencelle,
Portant sur le bras votre Enfant,
Chacun ici va vous offrant
Voile bleu, ceinture dorée...
Et, à vous voir ainsi parée,
J’ai honte d’être un ignorant,
Hélas ! je ne suis point savant !
Je ne sais peindre enluminure,
Et ma chanson n’est qu’un murmure...
Comment donc vous prouver ma foi,
Mon espérance et mon émoi ?
Vous adorant, j’ai douce joie !
Je voudrais vous vêtir de soie...
Le jardinier offre ses fleurs !
Dans le bois, les oiseaux siffleurs
Redisent partout vos louanges ;
Dans le ciel, c’est le chœur des anges !
Je ne suis qu’un pauvre jongleur !
Jadis, j’apportai du bonheur
Aux seigneurs et aux damoiselles !
Comme elles riaient, les pucelles...
Je ferai mes tours les plus beaux
Pour vous charmer, face aux vitraux... »
Lors, jetant sa robe de bure,
Son visage se transfigure !
Ses cabrioles et ses bonds
Sont agiles, joyeux et prompts !
Ils font accourir le Chapitre,
Le Père Abbé avec sa mitre...
« – Le sacrilège est trop flagrant !
Voyez donc son air rayonnant... »
La Vierge incline son sourire :
« – Grand merci, mon gentil Messire !
Mon cœur en est tout réjoui...
Çà, venez donc en Paradis ! »
Geneviève JEAN, Les œillets du poète,
Aurillac, 1977.