La belle Dorine

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Michel KLIMO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Près de Szepesvaralya, sur la cime d’un rocher, des mains inconnues avaient construit château. Dans les temps de guerre c’était, à n’en pouvoir douter, un centre du droit manuaire.

Mais les orages passés, le calme et le silence se rétablirent dans le château sur lequel il nous est resté la légende que voici :

Il y a bien des siècles, ce château se trouvait en possession d’un homme connu pour sa grande méchanceté. Un jour, ce seigneur donnait une grande fête à ses amis. Pendant le festin, les vieillards s’amusaient à se raconter leurs exploits, tandis que les jeunes gens se livraient à une joyeuse danse.

Parmi les danseuses se trouvait Dorine, la fille d’un vassal. Elle était pleine de charmes, et d’une beauté rayonnante.

Aussi le seigneur ne la perdait-il pas de vue, et un feu sinistre se peignait sur son visage. Vers minuit, lorsque les invités se disposaient à partir, le maître de château donna tout bas un ordre à deux de ses domestiques. Les invités se hâtèrent de regagner leurs logis, et personne ne s’aperçut de l’absence de la belle Dorine, restée prisonnière dans la grande salle.

À peine le château fut-il redevenu silencieux, que le seigneur à l’aspect sinistre pénétra dans la salle, et proféra quelques paroles qui firent monter le rouge au visage de la pauvre jeune fille. Mais, prête à se donner la mort plutôt que de permettre que le monstre la touchât d’une main criminelle, elle s’élança sur le bord d’une des fenêtres, qui se trouvait ouverte, et se précipita dans l’abîme.

Selon la légende, elle fut sauvée par un miracle du Bon Dieu, et n’eut qu’une légère blessure au petit doigt de la main gauche.

Aujourd’hui encore, les habitants des environs vous montrent, avec une sainte horreur, la fenêtre par laquelle s’était sauvée la belle Dorine.

 

 

Michel KLIMO,

Contes et légendes de Hongrie,

1898.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net