Le trouble du grand-prêtre Caïphe
par
Friedrich Gottlieb KLOPSTOCK
LE grand-prêtre Caïphe était agité sans relâche sur sa couche somptueuse, par la sombre vision de Satan. S’il s’endort un moment, il se réveille aussitôt en sursaut, rempli de pensées inquiétantes ; il se roule sur son lit, comme un athée mourant sur le champ de bataille. L’approche du vainqueur, le cabrement du cheval, le cliquetis des armures, les cris, la rage des mourants, la foudre du ciel, tout accable l’athée, qui, engourdi, la tête blessée, privé de la faculté pensante, étendu parmi les morts, semble déjà être de ce nombre ; mais il reprend ses esprits, réexiste, pense, maudit son existence, et de ses mains livides, fait rejaillir son sang jusqu’au ciel, en blasphémant le Dieu qu’il voudrait encore pouvoir renier. Dans un étourdissement pareil de ses sens, Caïphe se lève, et fait appeler promptement les prêtres et les anciens du peuple.
Friedrich Gottlieb KLOPSTOCK.
Traduit de l'allemand par Madame de Kourzock.
Paru dans Leçons de littérature allemande,
Jules Le Fèvre-Deumier.