Les incendiaires

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

E. T. KRISTENSEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

IL Y A DE CELA des années, il arriva qu’une ferme de l’ouest du Jutland brûla la nuit du réveillon du premier de l’An. Le propriétaire fit rebâtir la ferme, mais au réveillon suivant elle brûla de nouveau. Le malheur se reproduisit plusieurs années de suite. Alors, les membres de la famille en ressentirent tant de lassitude et de chagrin qu’un beau jour, la veille du même réveillon, ils décidèrent de déloger en emportant tous leurs biens.

Comme ils finissaient leurs préparatifs, voilà qu’arrive un Norvégien qui leur demande un abri pour la nuit. Oui, il était le bienvenu, répondit le fermier, mais la bâtisse avait l’habitude de brûler au réveillon du premier de l’An ; dans ces conditions, il ne pouvait pas lui recommander de rester. Mais l’étranger insista tellement pour s’installer que le fermier finit par céder : il passerait la nuit à ses risques et périls.

Dès que la famille fut partie et que le Norvégien se vit seul, il alluma un grand feu dans l’âtre et pendit à la crémaillère une marmite pleine de goudron. Le liquide commençait à bouillir, quand un gros chat descendit l’escalier du grenier.

 

            « Minou, minet, mistigri,

            Viens te chauffer près d’ici ! »

 

Le chat s’approcha et l’étranger le barbouilla de goudron. La bête se précipita dans l’escalier où elle croisa un deuxième chat gris qui descendait : « Minou, Minet, Mistigri ! Voilà les mots qu’il m’a dits ! » fit le premier chat. Et lorsque le deuxième chat fut descendu, l’étranger le barbouilla comme il avait fait au premier, et comme ça il en barbouilla douze de goudron bouillant.

Ce réveillon-là, la ferme ne brûla pas. Mais, le lendemain, le jour de l’An donc, le prêtre lut en chaire une annonce et demanda aux fidèles leurs prières pour douze femmes malades dans la même ville, qui avaient toutes été atteintes au cours de la nuit. C’était donc elles qui s’étaient montrées sous la forme de chats.

Dès lors, les gens de la ferme vécurent en paix.

 

 

 

E. T. KRISTENSEN, Danske Sagn, 1901.

 

Traduit du danois par Roger Laufer.

 

Recueilli dans Histoires et légendes du chat,

textes réunis par Kathleen Alpar-Ashton,

Tchou, 1973.

 

 

 

 

 

 

 

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