La légende des larmes

 

 

                                                        À Yvette Guilbert.

 

 

C’était une mère qui pleurait,

Qui pleurait son enfant ;

Son pauvret mort, comme un bleuet fauché

Dans le pré souriant.

 

 

Elle le pleurait de larmes très amères,

Sans nul repos ni trêve –

Tant que le jour brillait au ciel cruel,

Au ciel désert ;

Et quand la nuit enveloppait la terre

De voiles noirs,

Elle le pleurait, reprochant au ciel

Son désespoir.

 

Or, une vesprée elle entra à l’église

Pour y gémir l’excès de sa misère

Dans le silence de l’heure solitaire.

 

Mais elle vit là une foule étrange

De trépassés muets sous leurs suaires.

 

Elle reconnut son pauvre petit enfant

Qui fléchissait sous le poids écrasant

D’une lourde cruche pleine.

 

– Quel fardeau portes-tu, mon enfant bien-aimé ?

Pour quel pêché subis-tu cette peine ?

– Ce sont vos larmes, ô mère, pauvre mère,

Toutes vos larmes dont cette cruche est pleine !

 

Ainsi apprit la pleureuse rebellée

Qu’avec résignation devaient être acceptées

Les voies rigoureuses du Seigneur,

Et que sa douleur pesait à son cher mort.

 

 

 

Maria KRYSINSKA.

 

 

 

 

 

 

 

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