Satan dans la cité

 

Conversations entre un Sociologue et un Théologien

sur le Diabolisme Politique et Social

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Marcel de LA BIGNE DE VILLENEUVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CINQUIÈME SOIRÉE

 

 

Ce soir, l’abbé Multi paraît tout sombre.

– « Oui », me dit-il, « il faut parler de la France, car son cas est plus important que tout autre, étant donné qu’elle a toujours servi de guide à l’univers et continue de lui en servir, même dans ses déviations et sa déchéance, que ses idées ont toujours eu une influence et une répercussion mondiales. Le cataclysme qui l’a secouée à la fin du XVIIIe siècle et dont nous allons avoir beaucoup à parler, constitue réellement de ce fait une « époque » dans la vie de l’humanité et, sans doute, nous le verrons, présente-t-il une signification insigne. Mais nos entretiens vont devenir de plus en plus pénibles. C’est toujours avec un douloureux serrement de cœur que je touche au sujet que nous abordons. Il est si désolant, après avoir sincèrement célébré les Gesta Dei per Francos, de se demander si, désormais, il ne faut pas – et pendant combien de temps – écrire : Per Francos gesta Diaboli ? »

– « Oh ! » m’écriai-je, « n’êtes-vous pas exagérément pessimiste ? Sans doute, nous avons les plus sérieux, les plus graves motifs de tristesse et d’inquiétude. Mais comme moi, plus que moi, vous savez combien il reste en France de foi, de désintéressement, de dévouement, d’héroïsme ! C’est plutôt la surface qui est touchée que le fond. C’est plutôt le visage et l’ordonnance officiels du pays que l’esprit et l’âme des citoyens qui sont pervertis. Que le régime s’écroule et les antiques vertus reparaîtront. »

– « Peut-être, et plaise au Ciel », répond mélancoliquement l’abbé Multi. « Mais précisément, je constate que le régime ne s’écroule pas. Comme le Phénix de la légende, il renaît de ses propres cendres, ou plutôt de sa propre corruption. Et de cette réviviscence, le peuple porte la responsabilité, puisqu’il pourrait s’y opposer avec un peu de clairvoyance et de courage. Mais, tel le chien de l’Écriture, il retourne à son vomissement, c’est-à-dire, en l’occurrence, aux principes empoisonnés qui l’intoxiquent. Depuis un demi-siècle environ que j’observe la vie publique, je n’aperçois, malgré certaines velléités éphémères, ni essai réel de compréhension, ni repentir, ni amélioration sérieuse. Bien au contraire, l’infection s’étend de plus en plus et la décadence s’aggrave. Vous le dirai-je ? je crains que la France n’ait le gouvernement qu’elle mérite ; certes, il reste des justes dans Sodome, mais je me demande si l’on en trouverait le nombre nécessaire au salut.

« En tous cas, ce que vous affirmez avec un optimisme peut-être téméraire confirmerait, s’il en était besoin, la pensée que nous avons déjà exprimée et commentée et que je voulais de nouveau souligner aujourd’hui, à savoir que c’est par en haut, par les institutions et les doctrines, beaucoup plus que par l’action directe et personnelle des hommes, que la décomposition et la putréfaction s’introduisent chez nous. Pour y remédier, pour la combattre et la guérir, il faudrait d’abord se rendre compte de la situation et prendre ses dispositions en conséquence. Or, c’est justement cette vérité, cette évidence que nos contemporains, dans leur quasi totalité, ne veulent admettre à aucun prix. Essayez de leur exposer comment, après une préparation très facile à discerner et à suivre, l’Esprit du mal s’est infiltré victorieusement dans notre organisation sociale et gouvernementale et de leur montrer les traces démoniaques irrécusables qu’elle comporte. Aussitôt, on vous qualifiera d’utopiste et de rêveur, sinon de mystique et de visionnaire. Beaucoup même, avec une stupidité désarmante, parce qu’elle est inspirée d’excellentes intentions, vous reprocheront d’introduire, par vos critiques des principes civiques trop généralement admis, la division entre les opposants. Pas de politique, vous diront-ils, avec la traditionnelle gravité de l’âne qu’on étrille. Pas de politique ! Toutes les opinions sont libres et nous devons nous garder d’indisposer ceux de nos amis qui auraient tendance aux idées avancées. Nous ne devons surtout pas prêter le flanc à l’accusation d’être des réactionnaires, car notre action en serait stérilisée. Acceptons comme un fait les institutions existantes, quelles qu’elles soient. Il y a pour tous assez de bien à faire sur le terrain social et tous peuvent se mettre d’accord pour cela en évitant les causes de discorde et les éternels sujets de discussion.

« Et les malheureux imbéciles ne s’aperçoivent pas qu’ils laissent ainsi le champ libre à Satan qui, lui, s’est fortement installé et retranché dans le donjon politique, parce qu’il sait fort bien qu’en fait cette position commande toutes les autres, permet toutes les incursions et toutes les conquêtes. Et il rit de l’insane prudence des incurables nigauds qui croient habile et sage de respecter le drapeau qu’il y a hissé.

« Cependant, quelques esprits plus clairvoyants et plus réfléchis savent encore déceler sa présence, son action et sa méthode et veulent lui répondre par une tactique analogue à la sienne et qu’ils jugent la seule efficace pour le contrebattre et le mettre en déroute. »

– « Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur l’abbé », ai-je interjeté. « Vous allez un peu vite en besogne pour moi. Sincèrement, j’ai tendance à vous croire et à me ranger à votre avis. Pourtant, j’aimerais vous voir corroborer vos assertions de quelques preuves. Je reconnais volontiers que tout se passe comme si le Prince des Ténèbres était devenu l’animateur occulte et tout-puissant de notre vie politique contemporaine. Mais il y a une importante marge à franchir entre une comparaison, si vraisemblable soit-elle, et la constatation d’une réalité. Puis-je vous demander, sinon une démonstration positive qui n’est assurément pas possible en cet ordre d’idées, tout au moins un système de présomptions concordantes et suffisamment démonstratives pour emporter la conviction d’un cerveau impartial ? »

– « Votre réclamation est parfaitement fondée, cher ami », convient M. Multi, « et il est aisé de vous contenter. Dès que vous ne vous refusez pas à admettre, comme doit le faire tout chrétien et même tout spiritualiste, la possibilité de l’inhabitation de Satan dans les institutions et dans les doctrines sociales, on peut suivre ses tentatives d’investissement et ses progrès presque pas à pas.

« Pour nous en tenir à notre pays, je crois, quant à moi, devoir faire remonter ses travaux d’approche, son obsession systématique jusqu’à la fin du règne de Louis XIV. Il semble bien que, malgré sa conscience professionnelle et ses hautes qualités, le Grand Roi ait finalement trébuché dans le piège d’orgueil que lui tendait l’éternel Tentateur. Sans doute égaré par la conviction excessive du caractère super-naturel de sa charge et de son infaillibilité personnelle, il a cédé dans la période de son déclin au prurit de subordonner l’ordre consacré des choses aux impulsions de sa volonté propre. Sa prétention de faire entrer dans la succession royale et de légitimer en quelque sorte, en violation flagrante des lois fondamentales du royaume, les bâtards issus d’un double adultère, a largement ébranlé les bases religieuses, morales et traditionnelles de la Société d’autrefois. Elles en sont restées affaiblies, beaucoup plus vulnérables aux assauts du mal. Et malheureusement, la conduite de Louis XV – demeuré grand prince au point de vue technique, si l’on peut dire, mais de déplorable exemple dans ce domaine familial qui était le soubassement même de l’ancienne monarchie – contribua fort à augmenter les dommages au lieu de les réparer. Ces premières brèches ouvertes dans les institutions françaises vont ouvrir accès à l’Esprit du mal, toujours au guet et particulièrement désireux de nuire à notre patrie, à cause de la vocation très haute qui, dès l’origine, a été la sienne. Il n’a pas manqué de s’y infiltrer et de s’y propager en surface et en profondeur. Il a trouvé ou suscité pour cela le concours de la Franc-Maçonnerie et des Sociétés secrètes qui paraissent bien avoir été dans le concret les instruments les plus actifs de la décomposition ainsi amorcée et qui ont recruté leurs premiers adhérents dans les rangs de l’aristocratie et du clergé eux-mêmes et jusque sur les marches du trône. Il y aurait beaucoup à dire sur leur nature et sur la besogne qu’elles ont accomplie, mais c’est un sujet trop important et trop vaste pour que je puisse le greffer sur nos entretiens et le traiter de façon épisodique. Je vous renvoie aux nombreuses études qui lui ont déjà été consacrées.

« Le terrain ainsi préparé insidieusement et la mauvaise semence répandue un peu partout, voici que bientôt, abondante et luxuriante, va surgir une moisson de mort. Nous arrivons à la Révolution proprement dite. Elle va constituer le domaine d’élection de Satan. Disons plus : il va s’y investir, s’incorporer à ses dogmes, lui insuffler constamment un esprit de révolte et de ruine. Il semble vraiment avoir trouvé le moyen d’y réaliser un de ses pires chefs-d’œuvre. Chef-d’œuvre de perversion. Chef-d’œuvre d’ampleur. Songez-y bien en effet : la Révolution n’est pas une éruption sporadique et localisée qui n’affecte qu’un petit nombre d’individus, une brève époque, une simple portion d’une communauté nationale ; c’est une immense vague de fond, un raz-de-marée qui recouvre tout. Blanc de Saint-Bonnet nous la montre comme une insurrection tout à la fois philosophique, politique et religieuse. Cela est vrai, mais encore incomplet, car elle a été également économique, juridique, littéraire, etc. C’est précisément ce caractère de coordination synthétique, cette action d’ensemble qui doivent donner l’éveil à l’observateur, lui faire induire l’unité originelle du phénomène. Ils sont inconcevables et inexplicables, à mon sens, si l’on n’admet pas l’hypothèse d’un metteur en œuvre, d’une intelligence sagace, puissante et maléfique.

« Avec grande perspicacité, Mgr Freppel a attiré notre attention sur une première et déjà très forte présomption de cette infernale présence en signalant la volonté de saccage et de démolition systématique qui ne peut manquer de nous frapper avant tout dans ce bouleversement. Il y voit une opposition délibérée et révélatrice aux vues de la Providence et à l’ordre naturel des choses qui ne procèdent point normalement par ravages immenses et brutaux. Certes, écrit le grand évêque, dans la société française du XVIIIe siècle, des réformes considérables, des adaptations justes et sages s’imposaient de l’aveu de tous. S’appuyer sur ce qui subsistait de bon et d’utile dans le legs du passé pour améliorer le présent et préparer un plus accueillant avenir, voilà la méthode tout indiquée. Redresser les mœurs, corriger les abus, voilà ce que conseillait la raison. « Mais une nation rompant brusquement avec tout son passé, faisant à un moment donné table rase de son gouvernement, de ses lois, de ses institutions, pour rebâtir à neuf l’édifice social depuis la base jusqu’au sommet, sans tenir compte d’aucun droit, ni d’aucune tradition ; une nation réputée la première de toutes et venant déclarer à la face du monde entier qu’elle a fait fausse route depuis douze siècles, qu’elle s’est trompée constamment sur son génie, sur sa mission, sur ses devoirs, qu’il n’y a rien de juste, ni de légitime dans ce qui a fait sa grandeur et sa gloire, que tout est à recommencer et qu’elle n’aura ni trêve, ni repos tant qu’il restera debout un vestige de son histoire : non, jamais un spectacle aussi étrange ne s’était offert aux yeux des hommes 1. »

« Et voyez », dit M. Multi qui a relevé les yeux et paraît contempler l’invisible, « voyez combien cette subversion gigantesque et aveugle – qui, d’ailleurs, a largement débordé les frontières de la France, sinon même celles du vieux continent – voyez, dis-je, comme elle concorde bien avec ce que nous savons de la nature de ce Satan, dont le nom hébreu SHATAN signifie littéralement adversaire, celui qui est contre, de ce « diable » dont l’étymologie « diaballô » indique qu’il se met toujours en travers. Même en dehors de toute préoccupation confessionnelle, un spiritualiste serait naturellement porté à voir la main de l’éternelle puissance de destruction dans cette Révolution qui n’a été, qui n’est encore – car elle n’est pas finie – qu’une vaste entreprise de démolition et de ruine et dont la doctrine s’oppose à toutes les notions politiques et sociales consacrées par l’usage, la coutume, l’histoire et la raison, une entreprise si générale, si bien coordonnée, je le répète, qu’elle oblige à conjecturer l’action d’un meneur de jeu intelligent et unique, l’intervention du Grand Maudit. »

Et comme mon attitude indique que cette première vague d’arguments ne me paraît pas suffisamment démonstrative :

– « Cette induction », poursuit le prêtre, « se renforce si l’on songe au but poursuivi par ce bouleversement. Nous aurons à y revenir tout à l’heure beaucoup plus en détail. Mais considérez dès maintenant l’orientation prise et la fin poursuivie. Constatez que, s’appuyant avec une habileté perfide sur certaines revendications assez spécieuses pour abuser et entraîner la masse des esprits, la Révolution est dirigée contre l’autorité, contre l’ordre, contre la paix et la concorde sociales et finalement contre les dogmes les plus fondamentaux du christianisme, contre toute discipline et toute saine hiérarchie. Elle porte le paraphe du Destructeur. Blanc de Saint-Bonnet, que vous aimez à si juste titre, ne s’y est pas mépris. »

M. Multi saisit sur son bureau un livre qu’il ouvre à une page marquée d’avance.

– « Écoutez », me dit-il, « ce passage que je tiens à vous lire, car on y trouve, condensé avec la hauteur de vues et la puissance souveraine d’un écrivain hors pair, tout ce que je viens de vous suggérer tant bien que mal et même les idées essentielles qui nous restent encore à préciser. Vous ne récuserez certainement pas l’autorité de votre auteur favori.

« On est obligé d’arriver à une étrange hypothèse... En supposant que l’ennemi du genre humain eût la pensée de renverser la chrétienté dans une erreur capable d’accélérer la fin des temps, il dirait : Je donnerai le jour à une erreur qui les contiendra toutes... et, pour désorienter tous les hommes, elle portera les noms mêmes de la vérité ! Cette erreur sera greffée sur la plus vive faculté de la nature humaine ; elle en aura la signature et les pouvoirs. Au lieu de scintiller, comme une faible lampe, dans la tête d’un théologien, ses lueurs inonderont la foule et peu à peu y produiront une éclipse totale de la Foi. Cette erreur, loin de consolider quelques princes dans le césarisme, comme l’a fait l’erreur protestante, renversera tous les princes, entraînant d’un seul coup le monde que le Christ a tiré des ruines de l’antiquité. Trônes, hiérarchies, croyances, lois, coutumes, hérédité, propriété, armée, patrie, elle jettera tout comme un objet détruit, dans la barbarie définitive. Les rois mêmes accourront à cette erreur comme à leur dernier moyen de salut et elle sera si générale qu’on se rira du petit nombre de ceux qui prétendront s’y opposer. Alors, elle approchera de la place par un chemin si bien couvert, que, se démasquant tout entière au moment d’y entrer, elle versera, comme une inondation, l’athéisme absolu qui doit tout engloutir.

« Or, cette erreur est la Révolution 2. »

M. Multi a refermé son livre.

– « Je ne veux pas commenter ce texte : Ce serait prétention ridicule de vouloir dire mieux que Blanc de Saint-Bonnet. J’observe seulement que s’il a, ici comme toujours, le mérite de la clairvoyance et l’impressionnante vigueur de la forme, la découverte ne lui appartient pas. D’autres, auparavant, avaient discerné l’Esprit malfaisant, embusqué dans le lacis des principes révolutionnaires élaborés par lui, comme l’araignée au centre de sa toile. En premier lieu, comme il convenait, le traditionnel gardien de l’orthodoxie religieuse. C’est ainsi que, dès le 10 mars 1791, le Pape Pie VI réprouvait publiquement la doctrine proclamée par l’Assemblée Constituante comme « contraire aux droits du Créateur suprême » ; le 23 avril de la même année, il stigmatisait la Déclaration des Droits de l’Homme et dénonçait son opposition avec la religion et la société – « Illa scilicet jura religioni et societati adversantia ».

Le doigt preste de M. Multi a vite fait d’extraire du casier la nouvelle fiche dont il a besoin. Il y porte les yeux et continue :

– « À la lumière de ces avertissements solennels, Joseph de Maistre, embrassant de son regard d’aigle tout le panorama de la politique religieuse de son époque, pouvait en discerner et en dénoncer la perversité profonde. « Ce qui distingue la Révolution française et ce qui en fait un événement unique dans l’histoire », écrivait-il, « c’est qu’elle est mauvaise radicalement... C’est le plus haut degré de corruption connu ; c’est la pure impureté... » Il y a eu de tout temps des impies, mais « jamais, il n’y a eu, avant le XVIIIe siècle, une insurrection contre Dieu. » Aussi la déclare-t-il intrinsèquement démoniaque, « satanique dans son essence ». Et il ajoute : « Je vois l’Ennemi du genre humain séant au Manège (à la Convention) et convoquant tous les esprits mauvais dans ce nouveau Pandemonium, j’entends distinctement il rauco suon delle tartaree trombe ; je vois tous les vices de la France accourir à l’appel et je ne sais si j’écris une allégorie 3. »

« Un demi-siècle plus tard, le Pape Pie IX, dans son Encyclique du 8 décembre 1849, ratifiait le jugement et le reprenait à son compte presque dans les mêmes termes ; résumant et précisant les condamnations portées par son prédécesseur, il n’hésitait pas à écrire avec toute l’autorité de sa charge apostolique : « La Révolution est inspirée par Satan lui-même. Son but est de détruire de fond en comble l’édifice du Christianisme et de reconstruire sur les ruines l’édifice social du Paganisme. »

– « Tout cela », dis-je, « converge en effet pour donner à « l’hypothèse » envisagée par Blanc de Saint-Bonnet une vraisemblance de plus en plus grande et qu’à mon sens un esprit loyal ne saurait méconnaître. Nous voyons nettement comment toutes les forces de la décadence sociale et politique procèdent d’une cause commune et unique, d’un poison si virulent et si subtil qu’il infecte le corps tout entier. Cependant, dussiez-vous me juger insatiable, je solliciterais encore quelques éclaircissements supplémentaires. Le mot et l’idée de Révolution, voyez-vous, me paraissent trop larges pour ne pas demeurer assez vagues. Ils enveloppent, nous venons de le remarquer, de nombreux aspects, solidaires sans doute, mais différents. Vous, m’affirmez que Satan inspire la Révolution, qu’il est, pourrait-on presque dire, la Révolution même. Soit. Mais je le vois ainsi partout et nulle part. Au point de vue qui est ici le nôtre, c’est-à-dire celui de la Cité et du Citoyen, pouvons-nous, en quelque sorte, le prendre sur le fait, situer précisément son action sur un ou plusieurs points capitaux donnés ? Quel est, selon vous, le dogme central où s’est plus spécialement investi l’Esprit maléfique, le donjon, comme vous disiez tout à l’heure, qui sert de poste de commandement à Lucifer et à son État-major ? »

– « La réponse est facile et non douteuse », réplique immédiatement mon interlocuteur. « Sous l’angle de la vie publique, le dogme infernal par excellence, celui où Satan réside de préférence et qui constitue pour lui le meilleur poste de diffusion et de corruption, c’est la Souveraineté du Peuple et son succédané, le Libéralisme, qui lui est essentiellement congénital et si intimement lié qu’il en est inséparable. Voilà le sujet tout trouvé de notre conférence de demain. »

 

 

 

 

 

Marcel de LA BIGNE DE VILLENEUVE, Satan dans la cité,

Éditions du Cèdre, 1951.

 

 

 

 


1 Mgr FREPPEL : La Révolution française, p. 6.

2 BLANC DE SAINT-BONNET : La Légitimité, pp. 209-210.

3 J. de MAISTRE : Œuvres, I, pp. 52 et 303.

 

 

 

 

 

 

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