La mort du Christ

 

 

Pilate dit aux Juifs :

                               Voilà l’homme !

                                                          Et la foule

Qu’on voyait ondoyer comme une immense houle,

Et la foule aussitôt frémit, battit des mains.

 

– Ô fils du charpentier, la pourpre t’environne !

Dit-elle en se moquant. Tu portes la couronne

            Comme les empereurs romains !

 

Pilate veut alors rentrer dans le prétoire,

Mais elle le retient :

                                – C’est un pécheur notoire,

Fait-elle avec blasphème, et si tu le défends,

Tu n’aimes plus César et ton pouvoir succombe.

C’est un faux roi, qu’il meure ! et que son sang retombe

            Sur nous et sur tous nos enfants !

 

Un calme horrible suit. Sur la foule inhumaine

Le regard de Jésus lentement se promène,

Et puis se porte au ciel, douloureux et plaintif.

On devine aussitôt l’amour qui veut absoudre,

Mais le ciel a déjà sillonné de sa foudre

            La tête orgueilleuse du Juif.

 

– Moïse est le prophète et sa loi sanctifie.

Qu’on prenne ce Jésus et qu’on le crucifie,

Clame encore le peuple, il n’est pas notre roi !

 

Et le peuple triomphe; et sa clameur immonde,

Dix-neuf siècles après, passe encor sur le monde

            En semant la honte et l’effroi.

 

 

La victime s’avance; elle marche au supplice !

Jésus n’a pas voulu repousser le calice.

Nous eut-il tant aimés, s’il n’eut souffert pour nous ?

Mais celui qui soutient, ô terre ! tes deux pôles,

Trouve la croix trop lourde, hélas ! à ses épaules,

            Et l’on voit fléchir ses genoux !

 

L’autre jour, ce chemin où son pied meurtri saigne

Était jonché de fleurs.

                                   – Il vient, il nous enseigne !…

Gloire au fils de David ! criait-on en tout lieu.

Maintenant dans les murs, aux portes de la ville,

En son aveuglement, la populace vile

            S’amuse à voir tomber un Dieu !

 

Une femme pourtant, que la douleur transporte,

Lève son voile sombre, écarte la cohorte,

Et vient coller sa lèvre au front du « criminel ».

L’enfer est stupéfait, le ciel ému contemple...

C’est le glaive prédit par le vieillard du temple

            Qui perce le cœur maternel !

 

Voici le Golgotha ! Sur ce mont solitaire,

Au temps prophétisé, s’accomplit le mystère

Qui rachète le monde et le redonne au ciel.

Déjà le Christ est là, nu sur la croix sanglante !

Le premier clou s’enfonce en sa chair pantelante,

            Et sa soif s’abreuve de fiel.

 

Le premier clou s’enfonce et le sang d’un Dieu coule !...

Et tous les astres d’or qu’un souffle divin roule

Ont entendu vibrer les coups maudits du fer !

Ils se sont arrêtés. Tous ces mondes sans nombre

Ont vu la terre alors s’avancer comme une ombre,

            Ont entendu rire l’enfer !

 

Ouvrant comme un éclair le doux vol de son aile,

Un ange passe. Il pleure, et sa voix solennelle

Crie à tout l’univers soudain terrifié :

– Le plus grand des forfaits la terre le consomme !

Le Verbe s’est fait chair pour diviniser l’homme,

            Et l’homme l’a crucifié !

 

 

 

Pamphile LEMAY.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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