Le gwerz de sainte Pompée

 

 

Voici une de ces grandes compositions historico-religieuses de la poésie populaire bretonne, dont plusieurs, par la gravité, la solennité du style, l’ancienneté des mœurs et des souvenirs, ont parfois un accent d’épopée. Dans ce nombre je mettrais volontiers celle-ci, du moins en ce qui touche ses dix-neuf premières strophes. Car, bien que le gwerz tout entier soit de vieille date, on y distingue aisément trois parties et trois époques. La première, la plus ancienne, formée de ces dix-neuf strophes, concerne la vie de la sainte, les deux autres parties (strophes 20 à 34 et 35 à 61) nous font connaître deux des principaux miracles opérés par elle après sa mort.

Sainte Pompée, ainsi appelée (Pompaea) dans les documents latins les plus antiques, et que les Bretons, dans leur langue, nomment Santez Koupaïa, était la mère de saint Tudual, fondateur et évêque de Tréguier, et elle vint avec lui de la Grande-Bretagne en Armorique vers 520-530. Notre gwerz est d’accord sur ce point avec les actes authentiques de saint Tudual ; ils disent que Pompée vint du pays de Bro-Soz ou pays des Saxons, dénomination couramment donnée à l’Angleterre par les Bretons de nos jours, mais qui, appliquée à la Bretagne insulaire du VIesiècle, est un peu prématurée.

Le gwerz ne se borne point là : il nous dit que Pompée était « fille d’un roi de Gwened » (strophe 5). Il ne peut s’agir ici du Gwened d’Armorique qui est Vannes, mais d’un Gwened insulaire, soit le royaume de Gwynedd ou Vénédotie, dans le nord du pays de Galles, soit le royaume de Stratcluyd, ayant pour capitale Alcluyd (aujourd’hui Dumbarton) et qui, se trouvant placé à la pointe septentrionale de l’ancienne Bretagne romaine, est quelquefois appelé par les bardes le Gwened du Nord (Gwynedd a goglez). En tout cas il y a ici quelque méprise dans le gwerz : au lieu de « fille d’un roi de Gwened », il faudrait femme. Car, d’après les documents historiques, Pompée était au contraire du sud de l’île, très probablement du pays de Domnonée, et c’est ce qui ressort aussi du troisième vers de cette même strophe, où on la voit, quand elle passe pour venir en Armorique, « dire adieu à son pays de Berjer », lequel doit être cette région de la Grande-Bretagne appelée anciennement Bercheria ou Bercher, aujourd’hui le Berkshire, au sud-ouest de Londres, et qui, à l’époque romaine et au Vesiècle jusqu’à l’invasion Saxonne, était occupé par la tribu bretonne des Atrebates, peu éloignée de celle des Domnonéens.

Le gwerz ne donne aucun détail sur le débarquement de saint Tudual en Armorique, qui eut lieu vers Ploumoguer, à la pointe sud-ouest du Léon, ni sur les pérégrinations qui, de là, amenèrent le saint jusqu’à Tréguier où il se fixa. Les 5e et 6e strophes nous le montrent arrivant en ce lieu avec sa mère et plus de 363 moines, dont il était « le capitaine ». Dans ce nombre on nomme saint Goneri et saint Leonor ou Lunaire qualifié ici : fils de sainte Pompée ; mais les strophes relatives à ce dernier sont, selon toute apparence, une addition moderne, ainsi que les autres marquées par nous d’un astérisque 1.

Les légendes latines donnent à Tudual, pour compagnons de son passage en Armorique, 72 moines seulement ; mais il pouvait, il devait y avoir, outre les moines, une bande plus ou moins nombreuse d’émigrants laïques. Saint Goneri n’est mentionné, comme compagnon ou disciple de saint Tudual, ni dans son ancienne légende latine, ni dans aucune des Vies de saint Tudual. Il s’établit d’abord, on le sait, fort loin de Tréguier, au fond des forêts vannetaises, où il passa la plus grande partie de sa vie et accomplit de grands travaux évangéliques : après quoi seulement il se retira au bord de la mer, un peu au nord de Tréguier, dans le territoire de Plougrescant. De sa vie, la tradition orale du pays de Tréguier ne connaissait que cette dernière circonstance (comme le montre la strophe 15), et c’est là ce qui l’a conduite à faire de saint Goneri un compagnon de saint Tudual : il en résulte au moins que cette croyance à Tréguier était fort ancienne. Quant à saint Lunaire, d’après les anciennes Vies latines, le nom de sa mère (Alma Pompa) ressemble beaucoup à celui de sainte Pompée ; mais il n’accompagna pas Tudual dans son émigration, il passa séparément en Armorique et s’établit loin de Tréguier.

Ce qui est surtout curieux dans la première partie du gwerz, ce sont les adieux de Tudual et de sa mère. Celle-ci se retire dans sa chapelle du Bois ; le saint va bâtir, à une lieue et demie de là, son grand monastère de Tréguier ; mais il promet solennellement de venir rendre chaque année visite à sa mère ; il ajoute même : « Si l’on ne me porte pas, je marcherai ! » Et Pompée répond : « Si l’on cessait de te porter, il n’y aurait plus de bonheur ; il n’y aurait plus que demi-année de blé. »

Tout cela se rattache à un usage religieux des plus anciens, à la grande procession qui se faisait jadis de Tréguier, avec les reliques de saint Tudual, au tombeau de sainte Pompée, et à laquelle on accourait de tous côtés, car on regardait cette cérémonie comme une vraie bénédiction pour la future récolte 2.

Ce tombeau existe toujours dans l’église de Langoat. Aujourd’hui c’est un sarcophage en granit, haut d’un mètre environ au-dessus du sol, large de même, long d’un mètre 65 centimètres, sur lequel est couchée la statue de la sainte 3, et dont les faces droites sont ornées de sculptures en demi-relief. On y remarque, entre autres sujets, un navire portant un abbé armé de sa crosse, une femme et un enfant : c’est saint Tudual et sa mère passant de l’île de Bretagne en Armorique ; dans la figure de l’enfant, le sculpteur a entendu représenter les disciples du saint qui le suivirent sur le continent. Sur une autre face du tombeau est un corps couché, couvert d’un suaire, vers lequel se dirige une longue file de religieux avec croix processionnelle : ce sont les obsèques de sainte Pompée, c’est Tudual venant de Tréguier avec ses moines rendre à sa mère une suprême visite. Ce curieux monument de la sculpture bretonne 4 porte la date de 1370.

Quant à la procession, la Révolution la supprima et on fut longtemps sans songer à la reprendre. C’est seulement il y a cinq ou six ans qu’on eut l’idée heureuse de ressusciter cette cérémonie. Un dimanche de juin ou de juillet, le clergé de Tréguier, portant les reliques de saint Tudual, alla chanter les vêpres dans l’église de Langoat. Une foule nombreuse suivait, qui, en approchant de Langoat, en rencontra une autre plus nombreuse encore : toute la population de cette paroisse était là, et en outre les gens de la Roche-Derien, du Minihi, de Pommerit-Jaudi, de Camlez, accourus en masse. Dès qu’elle vit apparaître la bannière de Tréguier, cette foule entière éclata en une immense, une triomphante acclamation :

Arri eo zant Tual da welet he vamm ! Voilà saint Tudual qui arrive pour voir sa mère !

La bannière de sainte Pompée s’avança alors vers celle de saint Tudual, les deux bannières se saluèrent – et toute la foule pleurait de joie 5.

Malgré cette explosion si touchante du sentiment populaire, la visite de saint Tudual à sa mère ne s’est point renouvelée depuis lors, et nous le regrettons vivement. Nous oserions même ici adresser un vœu, en faveur de la reprise de cette procession, à M. le curé de Tréguier, dont le zèle pour la gloire de nos vieux saints est si connu. Ce sont là en effet des sentiments qu’on ne peut trop s’attacher à conserver ; ce sont là des scènes qu’on ne peut plus voir qu’en Bretagne et qui rendent vraiment vivantes aux yeux des Bretons, malgré un intervalle de treize siècles, les douces, bénissantes et majestueuses figures des pères et des apôtres de leur race.

Revenons à notre gwerz.

On remarquera la couleur poétique, originale, des trois strophes du prélude. Hors de Bretagne, selon la croyance populaire, la nuit est abandonnée en toute propriété aux puissances des ténèbres. En Bretagne il en est autrement : le chant du coq, traversant les ombres, clair et sonore, est pour le Breton l’écho des chants bénis et des concerts angéliques que font entendre en ce moment même les habitants du ciel.

Quant aux deux dernières parties du gwerz, elles sont assurément plus récentes que le prélude et la première partie. Il semble toutefois que le miracle en faveur d’une femme en couches, narré dans les strophes 22 à 34, se trouve déjà figuré sur le tombeau de Langoat, dont l’un des bas-reliefs représente, aux pieds de la sainte, une mère tenant dans ses bras un petit enfant.

La dernière partie (couplets 35 à 60) est aussi la moins ancienne : ce qui suffirait à le prouver, c’est que la narration en est mieux conduite, et beaucoup plus développée. Elle ne peut guère cependant, croyons-nous, être plus récente que le XVIIesiècle.

 

 

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Le gwerz de sainte Pompée nous a été transmis, ainsi que sa traduction, par M. l’abbé Le Pon, vicaire à la cathédrale de Tréguier, qui, en nous l’adressant, a bien voulu donner les renseignements qui suivent :

« M. l’abbé Yves Rivoallan, mort il y a quelques années recteur de Langoat, avait un zèle tout spécial pour les saints bretons. Il m’avait souvent parlé de publier le gwerz de sainte Pompée et voulait même me charger de cette tâche. À cet effet il m’avait remis un texte de ce gwerz, recueilli par lui dans la tradition orale de sa paroisse, mais quelque peu arrangé dans les termes. Aidé de cette version, j’en recueillis moi-même un autre texte, il y a douze ans, de la bouche d’une bonne vieille octogénaire qui vient de mourir et qui habitait le Minihi. Dans la version populaire, soit du Minihi, soit de Langoat, je n’ai pas trouvé quelques couplets marqués ci-dessous d’un astérisque (couplets 7, 8, 9, 21) qui m’avaient été communiqués par M. Rivoallan et que peut-être il avait ajoutés pour compléter, à son point de vue, l’histoire de l’émigration de saint Tudual. Pour moi, je n’ai rien ajouté au gwerz populaire, et j’en ai conservé les termes aussi exactement que possible : les fins lettrés celtiques le reconnaîtront, je n’en doute pas.

« La publication de ce gwerz sera reçue dans le pays avec faveur ; je regrette que M. Rivoallan ne soit plus là pour y applaudir. Homme d’une intelligence hors ligne, ancien professeur du collège Saint-Charles, à Saint-Brieuc, il aimait passionnément la Bretagne et sa vieille langue, qu’il parlait avec un purisme presque exagéré. Quand il appelait, de Tréguier ou d’ailleurs, des prêtres du dehors pour prêcher dans sa paroisse, si leurs sermons étaient purs d’alliage français ou latin, il jubilait ; dans le cas contraire, il tançait sans pitié le prédicateur.

« D’ailleurs il ne cultivait pas seulement le breton ; en français, c’était un poète satirique des plus piquants, et il a laissé des vers qui font songer au Lutrin de Boileau. Mais ce n’est pas le moment de les publier. »

 

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Pour terminer ce préambule, il nous reste à remercier M. l’abbé Le Pon d’avoir bien voulu communiquer à la Revue de Bretagne l’intéressante notice qui précède, et le beau et curieux gwerz que l’on va lire. – A. DELAB.

 

 

 

 

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Le Gwerz de sainte Pompée.

 

 

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I

 

1. – Ô Dieu, qu’il fera bon, pour qui sera au paradis, d’entendre les saints et les anges chanter les louanges de Dieu !

2. – Quand le coq chante à minuit, les anges chantent au paradis ; quand le coq chante au point du jour, ils chantent tous, anges et saints.

3. – Je voudrais être un petit tus 6 entendant chanter la musique, – entendant chanter jour et nuit les saints et les anges du paradis.

 

 

II

 

4. – Sainte Pompée de Langoat, qui fait miracles sur miracles, a quitté le pays de Bro-Soz pour gagner le paradis.

5. – Fille d’un roi de Gwened, quand son mari fut mort, elle dit adieu à son pays de Berjer, pour suivre son fils à Tréguier,

6. – Et son fils saint Tual et elle, et son grand ami saint Goneri, et plus de trois cent soixante-trois autres : saint Tual était leur chef (leur capitaine).

* 7. – Avec elle encore étaient sa fille Séva, une princesse de haute sainteté, et un autre fils, saint Léonor, qui a été évêque en Arvor.

* 8. – Léonor fut évêque d’Aleth, c’est là qu’il s’est sanctifié ; saint Tual le fut à Tréguier, et Pape à Rome, d’après ce qu’on lit.

* 9. – Elle alla jusqu’au bout du bois (chef du bois) où est aujourd’hui Langoat. Elle y a bâti une chapelle, afin d’y vivre comme les ermites.

10. – Sainte Pompée disait, quand elle arrivait à la chapelle du Bois 7 : « Ici est le lieu saint, où je viendrai mourir.

11. – « Ici est le lieu dans lequel mon pauvre corps sera enterré ; après qu’il y aura été enterré, les pèlerins viendront me visiter. »

12. – Son fils Tual répondit à Pompée, sa mère, quand il l’entendit : – « Sauf votre respect, mère, vous ne le serez pas (enterrée ici), c’est à l’église de la paroisse que vous viendrez.

13. – « À l’église de la paroisse vous viendrez, ou dans une chapelle sur le cimetière ; une grille autour de vous sera élevée, là viendront les pèlerins.

14. – « Et moi j’irai bâtir ma maison sur la paroisse noble du Minihy ; moi j’irai bâtir mon monastère 8 dans la ville de Tréguier.

15. – « Mon ami fidèle, saint Goneri, n’ira pas habiter loin de moi, il n’ira pas demeurer loin d’ici, puisqu’il s’arrête dans la paroisse de Plougrescant.

16. – « Quand j’entendrai sonner sa cloche, son souvenir me viendra au cœur ; et quand mes cloches sonneront au branle, il se souviendra au moins de moi. »

17. – Bien dur serait le cœur qui ne pleurerait, dans la chapelle du Bois s’il se trouvait, en entendant les adieux que se faisaient son fils Tual et elle !

18. – « Mon fils Tual, tu viendras une fois l’an jusqu’à ma maison. » – « Oh ! oui, ma mère, je viendrai ; si l’on ne me porte, je marcherai. »

19. – « Si l’on cessait de t’y porter, il n’y aurait plus de bonheur : on ne récolterait chaque année que mi-année de blé. »

 

 

III

 

20. – Sainte Pompée de Langoat est très bonne pour les pauvres gens : aux malades elle rend la santé, et aux boiteux le marcher.

* 21. – Aux sourds, elle rend l’ouïe, elle a donné la parole aux muets, aux aveugles elle accorde la vue, elle a ressuscité des morts.

22. – Le premier miracle qu’elle a fait, c’est en faveur d’une jeune mariée, une mariée de dix-sept ans qui était dans une peine extrême.

23. – Elle a été trois jours et trois nuits en peine d’enfant continuelle ; on a cherché des médecins, des chirurgiens et des docteurs.

24. – Et d’autres femmes du pays, entendues en cette sorte d’affaire, et d’autres femmes du pays, afin de la préserver de mort.

25. – Ils abandonnèrent tous la maison ; son mari seul est demeuré. En se voyant abandonnée de tous, elle ne songe plus qu’à mourir.

26. – Tout le monde l’a condamnée, sur un matelas dans la maison. Et la pauvre femme disait à son mari, en ce moment :

27. – « Mon cher mari, approchez ici ; je suis à ma dernière heure. Mettez votre main dans la mienne, tout à l’heure la séparation aura lieu.

28. – « Et si nous sommes séparés, le survivant sera dans la douleur... Mon pauvre époux, si vous m’aimez, à Pompée je serai vouée.

29. – « Je lui donnerai mon habit de noces, qui me coûtait cinquante écus, et de plus encore mes diamants, qu’elle aura de moi très contente. »

30. – Et quand l’époux l’a entendue, il a couru à l’étable : et dès son arrivée à l’étable, près de la plus belle vache il s’est agenouillé.

31. – Ses mains levées vers le ciel, il demande pardon à Dieu : « Sainte Pompée de Langoat, tournez vers moi vos regards !

32. – « Faites un miracle en faveur de ma femme : elle est ce qu’il y a de meilleur entre mes parents : et la meilleure vache de ma maison, bonne sainte, appartiendra à la vôtre. »

33. – Et à la maison il est accouru... la pauvre femme était debout. Elle a marché jusqu’au bout de la table : voilà trois jours qu’elle n’avait fait un pas.

34. – Avant qu’elle fût arrivée au haut de la table, elle avait mis un fils au monde, sans le secours de personne, si ce n’est de la sainte bénie.

 

 

IV

 

35. – Sainte Pompée de Langoat opère miracles sur miracles ; le second miracle qu’elle a fait, ç’a été en faveur d’une autre femme.

36. – En faveur d’une femme nouvellement mariée. Elle avait épousé un veuf, deux enfants lui étaient restés (de son premier mariage).

37. – Quand la marâtre sortit de la maison, les deux enfants jouaient. Un puits se trouvait au bas de l’aire. Ô Dieu, prévoyons le malheur !

38. – Ils s’approchèrent trop près du puits. L’un d’eux y tomba. L’autre, voulant le secourir, tomba lui-même dans l’eau.

39. – Quand elle a été de retour à la maison, la marâtre s’est trouvée surprise : dedans et dehors elle a cherché ; elle ne voyait pas les enfants.

40. – On les a cherchés dans les environs, personne ne les avait aperçus. Le mari chez lui est appelé.

41. – Les mauvaises langues toujours sont capables de faire pendre les gens : il n’y a ni peste ni famine au pays qui soient si pernicieuses que les mauvaises langues.

42. – À ce mari, elles ont dit que ses enfants avaient été tués par leur marâtre cruelle et maudite. Et cet homme-ci l’a cru.

43. – Et cet homme-ci l’a cru, et il a dit à sa femme : – « Malheur à toi, tu les as tués, et à ton tour tu seras détruite.

44. – « C’est toi qui as tué mes enfants, afin de vivre de leur bien ; et vivants ou morts tu me rendras mes enfants.

45. – « Car moi je vais en ville, et la justice fera son devoir. Malheur au jour que j’ai eu la velléité de le prendre pour épouse ! »

46. – Dur serait le cœur qui ne pleurerait s’il se trouvait dans la maison, voyant la femme agenouillée et enchaînée par les archers.

47. – Elle priait de bon cœur sainte Pompée de Langoat que les enfants fussent retrouvés et la vérité (de son innocence) reconnue.

48. – Et à son mari elle a dit, quand elle sortit de la maison : – « Mon pauvre mari, si vous m’aimez, promettez encore mon habit de noces.

49. – « Promettez encore mon habit de noces, et l’on saura de leurs nouvelles, car le Créateur du monde sait que ce n’est pas moi qui les ai tués. »

50. – Quand le mari l’a entendue il est rentré dans la maison, et dans l’armoire il a pris l’habit en disant :

51. – « Sainte Pompée bénie, faites encore un miracle en ma faveur ; le plus beau vêtement de ma maison, Pompée, ira dans la vôtre.

52. – « De plus, vous aurez un cordon de cire, qui fera le tour de vos terres, le tour de votre cimetière et de votre maison (église) et qui viendra s’allumer à votre autel.

51. – « Puis je donnerai une bannière blanche, sept cloches d’argent sur le même rang, quatre rubans et bleus et blancs, et un pied de genêt pour la porter. »

54. – Il n’avait pas fini de parler que les voix des enfants furent entendues : « – Mère chérie, jetez le seau dans l’eau afin que nous puissions vous secourir. »

55. – Trois jours et trois nuits ils ont été tous deux perdus au rond du puits ; ils y sont restés pleins de vie : quel prodige dans le pays !

56. – Sur le bord du puits, quand ils sont parvenus, le plus âgé a dit : « – En voulant saisir (sauver) mon petit frère, je suis tombé dans le puits avec lui. »

57. – Bien dur serait le cœur qui ne pleurerait s’il se trouvait dans le cimetière de Langoat, voyant l’herbe et la pierre des tombes arrosées par les larmes de cette femme.

58. – Elle versait des larmes jour et nuit, et rendait grâce à Pompée : elle lui avait conservé la vie aussi bien que celle de ses enfants.

59. – Si dom Jean Léon avait vécu, lui qui était autrefois recteur de Langoat, celui-là eût dit combien Pompée était honorée.

60. – Il y aurait eu (à l’église de Langoat) des seuils de fer que les pieds les auraient usés, les pèlerins de tous pays apportant à Langoat leur prière.

61. – Gens de tout pays et de tout âge, accourez au pardon de Langoat ! Sainte Pompée, demandez pour nous tous la gloire de la Trinité !

 

                 Ainsi soit-il !

 

Recueilli et traduit par M. l’abbé LEPON.

 

 

 

Paru dans la Revue de Bretagne et de Vendée en 1888.

 

 

 

 

 

 



1Strophes, 7, 8, 9, 21.

2La fête de sainte Pompée est marquée le 26 juillet dans les anciens calendriers, mais nous ne savons quel était exactement le jour de la procession.

3Cette statue est en pierre blanche, mais tout le sarcophage est en granit.

4Voir la description de ce tombeau donnée par M. l’abbé Urvoy dans le recueil intitulé Bibliothèque Bretonne (p. 107-108), publié à Saint-Brieuc en 1851, chez Le Maout.

5Tous ces détails m’ont été fournis par un témoin oculaire.

6Lutin ? esprit ? Ou bien peut-être faut-il dire : ’n eunn tuik, dans un petit coin ?

7C’est le nom qu’on donne encore à cette chapelle.

8Il y a chapel – (chapelle) – dans deux versions ; la rime est si disparate, que mouster semble s’imposer. J’ai trouvé des cas analogues et je ne me prononce pas.

 

 

 

 

 

 

 

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