La fugitive
Là, le vent gémissait. – Elle pleurait encore
Et la voix des échos, sur la plage sonore,
Éveillait ses souvenirs.
Et la main sur son cœur, étouffant ses soupirs,
Comme la fleur penchée aux larmes de l’aurore
Qui succombe avant le soir,
D’amertume sa joie était alors suivie,
Et la mort éteignait le flambeau de sa vie
Par un calme désespoir.
Hélas! son humble paupière
Tristement fixait la terre
Et l’oiseau qui chantait pour égayer ce lieu
Ne troublait point sa prière
Sa lèvre était tremblante en s’adressant à Dieu.
Pauvre enfant sur la route et demandant l’aumône ;
Son cœur avait béni la compassion qui donne
Un seul morceau de pain.
Ses pas avaient touché l’herbe dans le chemin
Qui soutient la faiblesse
Et porte sa saveur au fond de la tristesse
Pour alimenter le bien.
Que son âme était grande aux traits de son visage ;
Mais la froide pâleur décolorait son front,
Une croix suspendue à son frêle corsage
Lui rappelait sa mère et la religion.
Sa marche était timide en suivant la bruyère,
Mais, là, seule avec ses pensers,
Elle ne portait point le regard en arrière
Car un ange pour elle écartait les dangers.
Le passant admirait cette suave existence
Qu’un pur rayon du ciel seul pouvait animer
Cette fleur d’innocence
De l’arbre détachée en un jour de souffrance
Que l’homme indifférent même devait aimer.
Hélas, pauvre exilée !
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Voyant l’hiver venir
L’hirondelle à son nid, aussitôt envolée
Prélude un long adieu – son aile pour courir
À travers le drap d’or d’un folâtre nuage
Suit le vent capricieux qui la mène au rivage
Où l’orme hospitalier lui prête son ombrage,
Où le toit bienfaisant veut encor la couvrir...
Elle conserve l’espérance...
Dès que le printemps recommence
Elle part – son exil finit.
Mais pour la fille désolée...
Loin du toit paternel l’aurore à peine luit
La source la plus vive à ses pieds se tarit
Hélas ! la rose est effeuillée.
Là le vent gémissait,
Encore elle pleurait
Et la voix des échos sur la plage sonore
Éveillant ses souvenirs.
Et la main sur son cœur étouffant ses soupirs,
Comme la fleur penchée aux larmes de l’aurore
Qui succombe avant le soir,
D’amertume sa joie était alors suivie,
Et la mort éteignait le flambeau de sa vie
Par un calme désespoir.
Et je la vis s’asseoir sur une blanche pierre,
Repos du voyageur,
Et que la primevère
Bordait de sa fraîcheur.
Au murmure des flots comme elle était pensive !
Que son isolement sur la lointaine rive,
Quand tout semblait renaître au souffle du printemps,
Alors que le vieillard, la veille de sa fête,
Retrouvant ses quinze ans,
Abandonnait sa tête
À la main de l’enfant qui la couvrait de fleurs,
Que son isolement m’attendrit jusqu’aux pleurs !
La brise sommeillait au fond de la charmille,
Des plantes le parfum invitait au repos,
Tout se taisait sur les flots.
Une seule voix pure et la voix d’une fille
À mon esprit inquiet voulut tracer ces mots.
Richelieu, sur tes bords que le malheur accable
Une affreuse tempête a fait jaillir le sable
Dans la barque du nocher.
Oui, tes eaux se sont troublées
« J’ai vu partir l’éclair et j’écoutai tonner ! »
L’ouragan qui passait, ô! les a refoulées
Pour accroître le danger
Loin au-delà du rivage
Il t’a fallu succomber !...
L’incendie a rasé nos chaumières désertes
D’ossements mutilés tes côtes sont couvertes !
Saint-Charles est un tombeau !...
Plus de colline verdoyante,
De vallée odoriférante,
Où l’ombre de midi, se penchant sur l’ormeau,
M’invitait à dormir... je n’ai plus de parterre
Cultivé par ma mère
Que je chérissais tant ; ni le joyeux berceau
Qu’effleurait en chantant le prudent passereau.
Je n’ai plus le matin le baiser de mon frère
M’appelant doucement au chevet de mon lit
Ni la fervente prière
De l’homme évangélique, un jour qui me bénit.
Ah ! de ma bonne mère
Adieu larmes de joie et tendres effusions
Adieu brillant clocher, et tombe de mon père,
Que la terre reçut en ses sanglants sillons...
Je vous ai perdus pour toujours
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Le ciel a ses amours !
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Ô ! toi, qui me disais, ma belle fiancée,
Qui péris au combat,
Héroïque soldat,
Ton image retracée
Vient calmer mes regrets... m’ordonne de mourir.
Que la terre est pesante au cœur qui doit souffrir !
Quelle douce pensée !...
Mais un rêve enchanteur s’emparait de mes jours
Et leur limpide cours
Au calme de mes nuits apportait leur ivresse.
Je n’ai que dix-sept ans !
À peine ai-je senti les parfums du printemps !
Mon rêve était si beau !... je chantais à Zéphyr.
Le jour le plus serein me prêtait son sourire...
Des roses sur mes pas !...
Et reine de nos prés, sensible à leurs appas,
Je voulais tant cueillir la moisson de l’année
À peine si je vois la fin de la journée.
Pour tromper le vautour, comme un oiseau craintif,
J’ai rasé la bruyère ; en mon vol fugitif
Mon aile s’est déchirée...
Hélas ! si loin du nid je me traîne et me plains,
Sans savoir où fixer mon voyage incertain...
Ma blessure est rempirée !
Je me sens défaillir !... mon être est expirant...
Ma conscience me dit : Paix dans le firmament
Ô ! mon âme est rassurée.
Elle est morte !... et combien répandirent des pleurs
Qui des gais tourbillons savourant les douceurs
Ont alors ignoré sa plaintive agonie ?
La vertu gémit seule au déclin de sa vie.
Aux bords du Potomac, ami, si tu t’assieds,
Interroge le flot s’élançant à tes pieds,
Le chêne qui vieillit sous les coups de l’orage,
Le mobile roseau qui croît sur le rivage
Ils te diront son nom, sa beauté, ses regrets
En vain tu chercheras un funèbre cyprès,
Pour t’indiquer le lieu qui fait sa sépulture ;
Elle est même cachée aux yeux de la nature.
Rien ne veut l’attester. Seulement les échos
Qui se mêlent parfois aux cris perçants des flots,
Se prolongeant sur la rive,
Là te répéteront : Ci-gît la Fugitive.
Charles LÉVESQUE, 1850.