Les deux anges

 

 

Deux Anges, – Ange de Vie, Ange de Mort, – anges doux,

Passèrent en haut du village, dans la matinée ;

L’aube était sur leurs visages calmes, et au-dessous

D’eux, les maisons tranquilles, couronnées de fumée.

 

Leur pose, et leur aspect étaient les mômes pour mon âme,

Leurs robes blanches étaient semblables, de ma chaumière ;

L’un était couronné d’amarante, comme de flamme,

L’autre d’asphodèles, comme de flocons de lumière.

 

Je vis bientôt qu’ils s’arrêtaient dans leur mission céleste.

Alors je dis, d’une crainte amère, le cœur navré :

« Ne bats pas si fort, mon cœur, de peur qu’on voie à mon geste

L’endroit où tes aimés se reposent en sûreté. »

 

Et celui-là qui portait la couronne d’asphodèles,

Descendant à ma porte, alors commença à frapper,

Mon cœur s’affaissa, comme dans les sources naturelles,

Les eaux diminuent, quand la terre vient de trembler.

 

Je reconnus l’agonie sans nom, ce mal navrant,

La terreur, l’angoisse, et l’horrible douleur qu’on abhorre,

Qui ne m’ont autrefois obsédé que bien trop souvent,

Et qui revenaient avec une triple force encore.

 

J’ouvris la porte à mon envoyé céleste, en tremblant,

J’écoutai, car je crus entendre alors la voix de Dieu,

Ce qu’il envoie est pour nous le meilleur, et le sachant,

Je n’osais pleurer, ou me réjouir : c’était son vœu.

 

Lors, d’un sourire qui remplit la chambre de lumière :

« Mon message n’est pas la Mort, dit-il, mais c’est la Vie. »

Et sans attendre ma réponse, loin de cette sphère

Le radieux ambassadeur céleste part, moi je prie.

 

Ce fut à ta porte, cher ami, non pas à la mienne,

Que l’Ange à la guirlande d’amarante, triste sort,

S’arrêtant, descendit, et d’une voix sublime et pleine,

Laissa tomber un simple mot qui sonnait comme : « Mort ! »

 

Alors sur la maison un air sombre soudain tomba,

Une ombre s’épandit sur les traits de l’être souffrant,

Et doucement, de la chambre vide qu’elle voila,

Deux anges s’envolèrent, au lieu d’un entré avant.

 

Tout vient de Dieu ! S’Il lève seulement sa main altière,

Les brumes s’amassent, la pluie tombe bien bruyante,

Jusqu’à ce qu’en rayons de lumière sur mer et terre,

Voilà qu’Il regarde en arrière la nue éclatante.

 

Les deux Anges de la Vie et de la Mort sont à Lui,

Sans Sa permission ils ne peuvent franchir aucun seuil ;

Qui donc voudrait, ou même oserait, en croyant ainsi,

Fermer la porte contre ses doux messagers de deuil ?

 

 

 

Henry Wadsworth LONGFELLOW.

 

Traduit par sir Tollemache Sinclair.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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