Le professeur et le mélomane

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Mme de MAUCHAMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la vieille et pittoresque ville de Heidelberg existait encore il y a quelques années tout un quartier composé de curieuses maisons aux toitures inégales, élevées ou surbaissées, aux porches voûtés, aux cheminées grotesques ou étrangement sculptées. Le goût des temps passés avait laissé son empreinte sur leurs anciennes corniches, leurs poutres extérieures et jusque sur les marteaux contournés des portes. Non loin d’une église gothique se remarquait une rue si étroite qu’on ferait mieux de lui donner le nom de ruelle, sur laquelle surplombaient nombre de pignons lézardés, qu’étayaient pour la plupart de grosses poutres à peine équarries. Des tours en saillie, des auvents soutenus par des piliers en bois, des gouttières surannées, débordaient au front de ces hautes murailles, y versant l’eau à torrents sur la tête des passants, les jours de pluie.

Se détachant en relief sur l’un de ces murs grisâtres, une tourelle octogone dominait les toits superposés le long de cette ruelle, appelée Stüdent-Strass (rue des Étudiants). À des fenêtres percées aux trois côtés principaux de la tour, se tenaient habituellement trois personnes : Mein herr Kraft, sa vieille sœur Gretchen et la gentille Rosina, sa nièce.

Herr Kraft, savant professeur en retraite de la grande université, le plus honnête homme en tout Heidelberg, comme aussi le moins riche, s’était créé une bibliothèque où, dans la docte compagnie des vieux auteurs, il vivait plus de ses vieux bouquins que de ses rentes.

Là, ses heures, ses jours, ses dernières années s’écoulaient dans le calme des études philosophiques et dans la paix d’une bonne conscience. Allant et venant à la fenêtre de gauche, la coiffe, empesée de sa sœur semblait imiter l’échafaudage des maisons de Stüdent-Strass. Gretchen, à la science près, ressemblait en tout point au digne professeur. Il avait des lunettes, elle portait un pince-nez ; il ; grelottait  l’hiver, elle frissonnait ; il était sobre, elle vivait de peu ; silencieux, elle ne disait mot ; il s’enveloppait d’une houppelande, fourrée, elle se cachait sous sa pèlerine de petit-gris. Ils avaient, en outre, en commun dans le cœur, deux sentiments, qui seuls donnaient du charme à leur existence : beaucoup de tendresse pour leur nièce, beaucoup de faiblesse pour leur chatte, La chatte les égratignait, mais la nièce les soignait et les égayait : ils aimaient l’une pour ses mignonnes griffes, l’autre pour sa pieuse affection.

La jeune fille avait aussi sa fenêtre à elle, tendue de blancs rideaux, avec une rangée de pots de fleurs sur le rebord de pierre. C’étaient des touffes de pensées ou des roses épanouies sur leurs chétifs arbustes, jolie broderie parsemant les mousses brunâtres dont la paroi était revêtue. Quelques festons d’une vigne étonnée de se couvrir de feuilles, et quelquefois de fruits, sous ce ciel rigoureux, descendaient en se balançant, s’accrochant de loin en loin aux divers étais de la muraille. Au-dessus des sarments, des pensées et des roses, la figure de Rosina, plus fraîche que ses fleurs, souriait gaiement en regardant les nuages courir au-dessus des hautes cheminées. Souvent, en compagnie de sa chatte, elle suivait des yeux les hirondelles qui se croisaient en tous sens, s’arrachant leur fétu de paille et jetant dans les airs leurs petits cris aigus. La chatte, méchamment, guettait ces oiseaux au passage, tandis que Rosina, pour s’amuser innocemment, n’en demandait pas davantage ; elle semblait née pour le sourire, jamais ses blonds sourcils ne s’étaient froncés sur son front pur ; de sa vie ses lèvres n’avaient formé une moue maussade. Bien mieux, cette aimable sérénité de visage n’offrait que l’expression d’un esprit toujours enjoué. Cette enfant apportait la vie, elle était le soleil du vieux logis.

Sans doute ils s’y trouvaient heureux tous les trois, car vraiment ils n’en sortaient guère. On allait le dimanche à l’église, et, pour terminer par une modeste réjouissance, le jour de fête et de repos, la famille Kraft s’installait paisiblement, pour le reste du jour, sur un des bancs de la promenade de la ville, sous les tilleuls traditionnels. Des amis les venaient saluer en passant : on était fier, dans Heidelberg, d’aller toucher la main du vénéré maître. Après deux heures de cette honnête récréation, mein herr Kraft et les deux femmes rentraient pour s’asseoir au modeste souper, dont l’oie à la gelée de groseilles faisait habituellement les frais. Frugal, peut-être aussi un peu parcimonieux, était le bon vieillard. Ce défaut, joint à cette qualité, avait réglé ses habitudes ; il faisait du reste comme ses voisins. On vit de peu à Heidelberg, où des fruits verts passent pour des douceurs.

Un soir qu’au retour de la promenade dominicale, le docteur, sa sœur et Rosina se régalaient assiettée de brûlants Pfaun-Küchen, et qu’ainsi délicieusement occupés ils gardaient le silence, soudain, traversant les airs, des sons inusités viennent fêter leur repas, versant tout autour d’eux des torrents d’harmonie. Dans une vie monotone, tout fait évènement. « D’où vient cette musique ? », s’écrient-ils tout d’une voix. Aussitôt la table est abandonnée, ils se précipitent vers la fenêtre, s’y avançant l’un après l’autre, car elle est étroite, et se penchant sur l’appui de pierre qui lui sert de fruste balcon.

Le professeur y paraît le premier, lunettes sur le nez, ayant aux bras des manches de cotonnade, que sa sœur soigneuse lui fait mettre pendant le repas, et tenant à la main un certain livre d’Eusèbe que ses doigts ne lâchent jamais. En vain il explore du regard les maisons que domine sa demeure ; il ne découvre pas le musicien inconnu. Celui-ci a entamé une valse furieuse où les mesures pressées l’emportent sur le bon sens. « C’est affreux ! » dit le vieillard en battant la mesure. « Affreux ! » répète Gretchen en marquant le temps. « C’est charmant ! » s’écrie Rosina dont les pieds suivent déjà la cadence. « Elle est folle ! » dit son oncle. « Folle ! » répète sa tante. Sa tante Gretchen répète toujours ce que dit maître Kraft.

La valse continuait ; c’était comme un souffle de quelque orage, tantôt impétueux, tantôt radouci : tantôt forte, tantôt piano, tantôt proche et tantôt lointain ! « Une féerie ! » pensait Rosina ; « une diablerie ! » criait le professeur, et son écho, c’est-à-dire Gretchen, répétait : « Une diablerie ! »

Diablerie ou magie, bonne ou mauvaise, surnaturelle ou non, cette valse qui passait par tous les tons et demi-tons, prenant tontes les allures, montant et descendant tous les degrés de l’échelle musicale, et qui enveloppait de ses flots d’harmonie tour à tour puissants, agaçants, séduisants, la tuile des toitures, les poutres pointues, les corniches sculptées, emplissant de sonorité rues, places, maisons, gouttières, appentis, voûtes et donjons, et jusqu’aux gargouilles de l’église voisine, n’acceptant pas de pause, repoussant tout final, rebelle au plus petit temps d’arrêt ; cette valse, tantôt divine et tantôt infernale, jetait toujours dans l’espace des sons éperdus et retentissants.

Rosina, que cette musique momentanée enlevait du sol comme une plume, s’était emparée de la tante Gretchen, moins légère à la vérité, mais dont on voyait tourner la blanche cornette en un vertige à trois temps, tandis que notre savant lui-même, subissant la même influence, se heurtait aux rayons de sa bibliothèque, en faisait sortir des nuages de poussière, et étourdi, ahuri, tournait malgré lui sur lui-même. Un sort semblait jeté dans l’intérieur de la tourelle ; la chatte se livrait à des crises convulsives accompagnées de miaulements hors du ton. Tous subissaient le magnétisme musical !...

La nuit vint, rendant enfin le calme aux habitants de Stüdent-Strass. Épuisé, mécontent, le pauvre Kraft s’en fut enfin coucher. Mais il ne suffit pas de se mettre au lit pour dormir : aussi, fatigué de se retourner sur sa couche : « Magie que tout cela ! » soupira-t-il. « Oui, magie », répéta Gretchen, de l’autre côté de la cloison. « Agréable magie ! », ajouta Rosina sous ses rideaux.

Une aube nouvelle esquisse à peine les pittoresques constructions de Heidelberg du bout de son vague pinceau, et déjà le chant du coq, qui chaque jour se fait entendre dès l’aurore, est devancé par le cri strident de la chanterelle, qu’un doigt fiévreux a pressée, et qui pleure et gémit sous le plus violent des archets. La famille Kraft, éveillée en sursaut, se jette hors du lit, le docteur frappe du pied avec colère, Gretchen l’imite, Rosina rit. « Wunderbar ! C’est prodigieux ! » dit l’un. « Prodigieux ! » dit l’autre. « Prodigieusement amusant ! » pense la plus jeune des trois.

Toutefois la journée se compose de vingt-quatre heures, et il n’est mélomane si passionné qui ne suspende ses inspirations musicales pour prendre part de temps en temps à la vie commune. On eut donc des moments de relâche, mais les soirées ?... et quelles soirées ! De six heures à minuit on n’entendait que roulades sur roulades, et accords sur accords. Trois ou quatre jours se passèrent de la sorte ; sur le midi, le calme renaissait ; mais, après le repas du soir, c’était à se boucher les oreilles ! Les bons Allemands aiment fort la musique, il est vrai, mais pas au point de lui sacrifier leur sommeil, et dans la ruelle des Étudiants on ne pouvait fermer l’œil avant minuit. Le nom et la demeure du nouveau et fâcheux voisin étaient connus de tous maintenant ; il s’était logé précisément au-dessous de la maison Kraft, dans, une case d’ouvriers. La porte de sa chambre donnait sur une galerie fermée de balustrades en bois. C’était de cette rustique terrasse que, soir et matin, l’enragé virtuose livrait ses chants rarement interrompus à tous les vents chargés de les répandre aux échos d’alentour.

Après trois jours passés sous ces effluves de gammes, de batteries et de grincements de toutes sortes, le voisinage n’y tint plus. Les plus considérables du quartier se réunirent, et, montant chez le professeur pour joindre leurs plaintes aux siennes, lui confièrent la mission (comme au plus honoré des anciens de la ville) de se rendre chez ce nouveau venu, l’ennemi commun de leur repos, pour lui demander la faveur de déménager au plus vite. Si le docteur y consentit avec empressement, je vous le laisse à penser.

Il part donc, sans se faire prier, emportant avec lui un grand papier couvert de signatures ; il va plaider pour la chose publique, et demander la paix du monde : « Toc, toc ! » C’est Kraft qui frappe à la porte du mélomane : une suite d’arpèges lui répond. « Toc, toc ! » Des trilles répétés couvrent ce bruit. Il prend le parti d’ouvrir ; puisqu’on ne l’entend pas, peut-être le verra-t-on !... Le voit-on ? J’en doute, l’archet ne s’arrête pas, il monte et descend, il racle, il dégringole, il fait des pizzicati, tremblote sur place, il scie la corde... Le coude et le poignet du musicien décrivent des cercles, des angles, des ondulations de couleuvre, des marches et contremarches rapides et insensées !...

Herr Kraft perd toute patience et pose une large main : sur le cahier de musique ouvert sur un pupitre ; l’archet s’arrête et tombe des mains d’un jeune homme blond, imberbe, l’œil plein des flammes de son inspiration... À la vue du grand et digne vieillard dont le front lui paraît sévère, il se lève et salue profondément. Un gros soupir sort de sa poitrine ; d’exaltée, sa physionomie devient humble et mélancolique. C’est hélas ! qu’il s’attend à une déclaration de guerre.

– Jeune étranger, lui dit mein herr Kraft, je viens vous exposer !...

– Je sais, je sais, mon respectable maître, je sais ce que vous venez me dire.... d’aller jouer du violon ailleurs !

– C’est vrai, répond Kraft, content d’avoir été deviné !

– C’est une étrange manie que la vôtre, jeune homme, elle nuira à votre avenir !

– À qui le dites-vous, honoré mein herr ; oui, toujours il en est ainsi ! On me chasse de partout au bout de trois jours : hélas ! ma vie est comme celle du Juif errant !

– N’avez-vous pas une famille, des devoirs, une carrière ?

– Ni famille, ni devoirs, je ne suis qu’un pauvre étudiant, orphelin, sans le sou !...

– Étudiant de solfège, sans doute.

– N’importe, mein herr, vous voulez que je parte, je pars !... qui suis-je pour dire non quand vous me dites de m’en aller ?

Sans ajouter une parole, le pauvre garçon, ouvrant une armoire, en sort un étui de violon, y couche avec tristesse son instrument chéri, ferme l’étui, met la clef dans sa poche, puis, essuyant une larme furtive, se dirige vers la porte de sortie, son précieux violon sous le bras.

Le professeur, était le meilleur cœur du monde. Il se sentit attendri à cette vue, et, subitement radouci, il toucha le bras du-jeune homme :

– Voyons, enfant ! lui dit-il, où diantre allez-vous si vite !... langsam, mon ami, langsam (doucement, doucement), c’est la devise de tout bon Allemand.

L’exilé s’arrêta ; la tête basse et les yeux fixés à terre, il se taisait.

– Laissez-moi vous interroger, mon ami, reprit Kraft, qu’allez-vous devenir en sortant d’ici ?

– Si je pouvais donner des leçons de musique...

– Non, non, rien de pareil, croyez-moi ! vous vous dites étudiant, alors que n’étudiez-vous ?

– J’ai si peu d’aptitudes...

– Et la folie du violon ! interrompit le vieillard.

– Tous les professeurs me repoussent... je ne leur fais pas honneur. Quand on est seul et malheureux comme moi, la musique console, elle étourdit...

– Elle étourdit tout le monde, mon enfant ! c’est cela qui vous isole. Écoutez : voulez-vous travailler avec moi, vieux professeur de notre université ?

– Merci, mon maître, vous êtes bon, dit le mélomane d’un air triste, mais je ne suis pas plus riche que studieux, et je ne pourrais reconnaître vos soins.

– Erreur, jeune homme, vous pourrez très bien vous acquitter envers moi.

– Par des leçons de violon, peut-être ?

– Ô ciel ! jamais ! il vous faut, pour un temps, renoncer à ce maudit violon... c’est lui, lui seul, qui vous empêche de travailler, ajouta le docteur en s’échauffant. Vous reconnaîtrez mes leçons par votre zèle et aussi par ce sacrifice que j’exige de vous.

– Mais si je ne pouvais vaincre ma passion.... si je retournais à la musique ?...

– Alors, ce serait fini ! plus d’enseignement, plus de science ! Allons ! c’est dit, nous allons essayer, si vous le voulez, pendant quelques jours...

– Que vous êtes compatissant !... Alors vous ne me chassez pas ?... Oh ! j’accepte, mein herr, et je tâcherai de vous satisfaire.

Aucun contrat ne fut signé entre eux, l’honnêteté se trouvait de la partie des deux côtés. Toutefois l’excellent homme, heureux du bien qu’il projetait et pour le confirmer apparemment, prenant la main de son protégé, lui dit :

– Écoute encore, mon fils ! tu prends un engagement qui te coûte, je le sais ; si tu y demeures fidèle, je te promets un jour tout ce que tu voudras me demander... en mon pouvoir bien entendu !

Heinrich venait le matin chez son maître ; il travaillait ; le coq matinal saluait par un solo le point du jour naissant. Le professeur, heureux de sa bonne action, au lieu de demander de l’argent à son élève, lui en donnait, et bourrait sa pipe d’excellent tabac. La reconnaissance de cet orphelin devenait une affection profonde et dévouée, il ne cessait de la témoigner soit au frère, soit à la sœur : à la nièce seule il ne témoignait rien. Rosina, de son côté, se sentait blessée d’être ainsi négligée, car non-seulement elle aimait la musique, mais elle avait de l’amitié pour le musicien.

Kraft, devenu moins féroce à l’égard du violon maudit, permettait maintenant à Heinrich de leur donner le dimanche une aubade. L’élève venait, ce jour-là, partager le repas de la famille, et, le soir, on ne manquait pas de lui demander la fameuse valse aux variations qui n’en finissaient pas ? Les voisins en prenaient volontiers leur part ; on voyait les passants se mettre à valser dans la rue, et personne ne se plaignait plus, tant il est vrai qu’en fait de musique, comme parfois en médecine, les petites doses produisent les meilleurs effets !

Tout alla bien pendant quelques mois ; l’écolier prenait ses grades, Gretchen le félicitait, la chatte se frottait à ses jambes, et Kraft rappelait en riant à son jeune ami qu’il pourrait bientôt lui demander tout ce qu’il lui plairait.

Un dimanche, après le souper, Heinrich, en refusant de donner son petit concert ordinaire, pria le bon docteur de sortir avec lui, et, l’emmenant sous les filleuls de la promenade, d’une voix émue et qu’il tâchait de raffermir :

– Vous avez été pour moi la bonté même, lui dit-il, un père en vérité ! et je prie le ciel de vous en donner la douce récompense....

Ici Heinrich s’arrêta, puis reprit avec un effort :

– Pour moi, maintenant, il faut que je vous dise adieu !

– Qu’est-ce à dire, mon enfant ? est-ce que la mélomanie te reprendrait ?

– Ce n’est pas cela, mais je dois vous quitter néanmoins.

– Tu ne sais pas le quart de ce que j’ai à l’enseigner.

– Hélas ! jamais je ne deviendrai savant.

– Pourquoi partir ?

Pas de réponse.

– Je vois, je vois, dit le vieillard, tu t’ennuies parmi nous ! et tu veux courir le monde !... Comme si le monde pouvait te donner l’attachement que nous avons pour toi !

– Précisément, mein herr.

– Tu t’en vas parce que nous t’aimons ?

– Oui, docteur, je suis trop heureux près de vous.

– Trop heureux ?

– Je me trompe, c’est trop malheureux que je voulais dire.

– Voyons ! est-ce que ta tête déménage ?

– Ce n’est pas ma tête... c’est... c’est mon cœur. Les Allemands ne comprennent pas vite, on sait cela. Mais si le docteur Kraft avait parfois la tête dure, il avait l’âme si sensible, qu’elle lui donnait plus que de l’esprit. Ici elle lui eut bientôt offert la clef du mystère. Il devina, et devina juste. Heinrich trouvait Rosina aimable ; il s’éloignait parce qu’il était pauvre et discret. D’abord surpris, puis touché, le brave homme ne savait auquel entendre, de sa raison qui lui disait : « Laisse-le s’en aller ! » ou de sa sensibilité naturelle qui murmurait : « Garde-le !... » Mais Rosina ? encore fallait-il consulter Rosina.

– Heinrich, lui dit-il, je t’ai compris, fais-toi accepter par ma nièce... mais si elle te refuse... adieu... et soyons forts !

Heinrich, serrant la main de son maître ou plutôt de son ami, demeurait ferme dans sa résolution, et refusait absolument de consulter Rosina. Il fallut que le docteur, – sa vraie Providence, – se chargeât lui-même d’interroger la jeune fille. Huit jours après, Rosina et Heinrich étaient fiancés, et le professeur disait en riant :

– J’avais promis de lui donner ce qu’il me demanderait, je n’ai pas tenu fidèlement ma promesse, car je lui donne ce qu’il ne me demandait pas.

 

 

Mme de MAUCHAMPS.

 

Paru dans La Semaine des Familles en 1875.

 

 

 

 

 

 

 

 

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