L’ultimo Angelo del Correggio

 

 

Les yeux hagards, la joue pâlie,

Mais le cœur ferme et sans regret,

Dans sa mansarde d’Italie

Le divin Corrège expirait.

 

Autour de l’atroce grabat,

La bonne famille du maître

Cherche un peu de sa vie à mettre

Dans son cœur à peine qui bat.

 

Mais la vision cérébrale

Fomente la fièvre du corps,

Et son âme qu’agite un râle,

Sonne de bizarres accords.

 

Il veut peindre. Très lentement

De l’oreiller il se soulève,

Simulant quelque archange en rêve

En oubli du Ciel un moment.

 

Son œil fouille la chambre toute,

Et soudain se fixe, étonné.

Il voit son modèle, il n’a doute,

Dans le berceau du dernier né.

 

Son jeune enfant près du panneau

Tout rose dans le linge orange,

À joint ses petites mains d’ange

Vers le cadre du Bambino.

 

Et sa filiale prière

À celle de l’Éden fait lien :

Dans du soir d’or italien,

Vision de blanche lumière.

 

« Vite qu’on m’apporte un pinceau !

« Mes couleurs ! crie le vieil artiste,

« Je veux peindre la pose triste

« De mon enfant dans son berceau.

 

« Mon pinceau ! délire Corrège,

« Je veux saisir en son essor

« Ce sublime idéal de neige

« Avant qu’il retourne au ciel d’or ! »

 

Comme il peint ! Comme sur la toile

Le génie coule à flot profond !

C’est un chérubin au chef blond,

En chemise couleur d’étoile.

 

Mais le peintre, pris tout à coup

D’un hoquet, retombe. Il expire.

Tandis que la sueur au cou

S’est figée en perles de cire.

 

Ainsi mourut l’artiste étrange

Dont le cœur d’idéal fut plein ;

Qui fit de son enfant un ange,

Avant d’en faire un orphelin.

 

 

 

Émile NELLIGAN.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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