Le Vendéen et le voyageur
DIALOGUE. – (1820.)
par
L. Th. PÉLICIER
QUE fais-tu près de cette tombe ? – J’implore le Dieu de mes pères. – Que lui demandes-tu ? – De conserver le Roi, et d’admettre parmi ses élus mon général, dont cette pierre couvre les cendres. – Tu as été soldat ? – Il ne me reste qu’un bras ; l’autre est tombé à Aurai. – Tu es brave et religieux. – Je suis Vendéen.
Vous qui m’interrogez, qui êtes-vous ? – Un voyageur égaré dans le Bocage. – Je voudrais vous offrir un abri, mais j’en cherche-un moi-même. – Tu n’es donc point de ce pays ? – Vous voyez d’ici les débris de ma cabane. – Qui l’a détruite ? – La torche des guerres civiles ; et mon vieux père a été consumé par les flammes.
– Mais n’as-tu plus de parents ? – Mes frères sont morts à mes côtés. – Tu comptes encore quelques amis ? – Leur misère est égale à la mienne. – Les bienfaits de ton roi ont dû venir te chercher ? – On dit qu’on nous a peints à lui comme des rebelles. – Qu’as-tu fait pour te justifier ? – J’ai béni, j’ai envié le sort de mon vieux père et de mes frères.
– Quel est ce château qui domine le vallon ? – C’est l’héritage d’un noble Vendéen qui n’a plus reparu depuis son exil. – Ses fils l’habitent-ils aujourd’hui ? – Non, un étranger en est le possesseur. – Un brillant cavalier s’avance de ce côté. – C’est le fils de l’étranger. – Des signes d’honneur le décorent. – Il les a reçus en combattant contre nous. – Ô Vendéen ! je te plains ! Que n’as-tu servi le même maître, il était plus reconnaissant. – Adieu, voyageur ! vous méritez de trouver un asile au château ; mais évitez de frapper aux chaumières.
L. Th. PÉLICIER.
Paru dans les Annales romantiques en 1825.