La légende de Saint-Gerbold
par
Frédéric PLUQUET
SAINT GERBOLD VIVAIT dans le VIIe siècle ; il demeurait en Angleterre, chez un riche seigneur, lorsqu’il lui arriva précisément la même aventure qu’à Joseph chez Putiphar ; son maître irrité lui fit attacher une grosse meule de moulin au col et le fit jeter à la mer. Aussitôt, la pierre devint légère comme du liège, la corde se détacha et le saint, placé sur sa meule de moulin, vogua paisiblement vers les côtes du Bessin.
Il aborda à Ver ; c’était au plus fort de l’hiver : les fleurs et la verdure naquirent de tous côtés sous ses pas, et c’est depuis ce temps que ce lieu a été appelé Ver.
Le saint s’établit à Crépon, dans un petit ermitage, sur les bords du ruisseau de Provence. Sa sainteté et les miracles qu’il faisait journellement le firent nommer à l’évêché de Bayeux ; lorsqu’il prit possession, les rues par où il passa se trouvèrent miraculeusement décorées de fleurs et de verdure. Malgré ces miracles, les Bayeusains ne tardèrent pas à se dégoûter de leur évêque, et ils le chassèrent ignominieusement. Saint Gerbold jeta, de dépit, son anneau pastoral dans la mer, et il dit qu’il ne reviendrait dans son diocèse que quand il l’aurait retrouvé !
Pendant son absence, les habitants de Bayeux furent affligés de lienterie et d’hémorroïdes ; bientôt, ils se repentirent de leur faute : saint Gerbold retrouva son anneau dans le corps d’un poisson, il revint à Bayeux, et la maladie cessa.
Frédéric PLUQUET,
Essai historique sur la ville de Bayeux,
1834.
Recueilli dans : Histoires et légendes
de la Normandie mystérieuse, textes recueillis
et présentés par Patrice Boussel,
Tchou, 1970.