La messe blanche
Voici un évènement gui est arrivé, certes, entre Tréguier et Langoat ;
Aussi vrai est arrivé cet évènement-ci, que saint Yves est au ciel.
C’est qu’il doit se garder de l’enfer, celui qui apprit la messe,
Sans l’avoir chantée pendant sa vie : car après sa mort il le faudra donc.
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Ainsi, par une nuit, un ivrogne se rendait à la maison par Lok-Mikel (Saint-Michel).
Les douze coups de minuit frappèrent : et le voilà retenu sur le grand chemin,
Bien qu’il ne vit personne par la route, seulement il entendait des gens qui passaient,
Ou deux à deux, ou trois à trois, arrivant par la traverse de Minic’hi.
Et pas une parole entre ces âmes. Chacune avait un cierge.
Derrière la procession, ainsi qu’un moine attardé
Venait un jeune clerc habillé de blanc, la tête baissée, comme s’il pleurait ;
Pour dire sa première messe, sans doute, il venait avec ceux-ci.
Il eût été merveilleux de voir, comme un autel préparé
Pour y chanter les offices, Saint-Michel s’illuminer alors,
Illuminé le clocher tout autour, dès que le kloarek y pénétra.
Et, un autre prodige, c’étaient encore ces âmes par le grand chemin,
Chacune avec son cierge blanc, pour entendre cette messe.
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Lève-toi donc, lève-toi, léger vent de nuit, – pour emporter jusqu’au paradis,
Ainsi que les prières des anges, le gémissement qui monte de là,
Prière et gémissement de pénitence – pour ce clerc dans l’angoisse ;
Car ceux qui prièrent pour lui dans leur vie, le font encore à présent :
De ceux qu’on a aimés reste à jamais et le souvenir et le regret par-delà la mort.
Et le léger vent de nuit alors comme un orgue chantait.
Au-dessus des cierges, on soufflait comme la tempête, sans les éteindre, le vent de nuit.
Et, ensuite, aussi merveilleux encore eût été d’entendre dans la nuit aveugle
Autour du clocher, demandant à entrer, – comme autour d’un navire, un pauvre oiseau de mer ;
Trois fois fut entendue, cette nuit-là, – la plainte de la mouette voltigeant à l’entour ;
Comme une cloche d’appel à cette grand-messe : – Introïbo – disait-elle, à chaque fois...
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Les jours suivants, un voyageur demandait au sacristain de Tréguier :
« Pourquoi, depuis trois nuits, sont les cloches en branle ?
C’est pour un incendie peut-être ? – C’est pour quelqu’un destiné à être prêtre
Et qui s’en est allé dans l’autre monde sans avoir dit sa messe, que sonnent les cloches toutes seules.
Mais il ne trouvera pas un enfant de chœur pour son office, disait le sacristain
Si ce n’est un homme ivre, dans la douve du chemin, avec le péché mortel en son cœur.
Hélas ! c’est pour Renan, mort avant d’avoir été prêtre dans son pays... »
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Si pareille chose est vraiment arrivée, que le Seigneur-Dieu soulage cette âme !
Narcisse QUELLIEN,
Breiz, poésies bretonnes,
1899.