Les langes de Jésus

 

 

Auprès de Nazareth, au bord de la piscine,

La Vierge vint laver les langes de Jésus.

Or une pauvre femme était là, sa voisine,

Qui lui dit, reprenant ses travaux suspendus :

 

« De ce ruisseau, ma sœur, connaissez-vous l’histoire ?

Ce n’était qu’un ravin au temps de la moisson ;

Le plus petit oiseau n’y trouvait pas à boire.

Les troupeaux, maintenant, y plongent leur toison.

 

« Ses flots semblent créer des Édens dans leur course,

Et sous les feux du jour redoubler de fraîcheur ;

On dirait que quelque ange a remué leur source... »

– La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Alors que sa cavale ici se désaltère,

Le simoun n’a jamais surpris le voyageur,

Ni l’Arabe infesté sa route solitaire. »

– La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Et pour mettre le comble à ces choses étranges,

Mon enfant pâlissait : il reprend sa couleur,

Depuis que dans ces eaux je viens laver ses langes. »

– La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

« Toute la Galilée est pleine d’allégresse.

Savez-vous d’où nous vient une telle faveur ?

Nos scribes, nos docteurs y perdent leur sagesse... »

– La Vierge répondit : « Bénissez le Seigneur ! »

 

Elle aurait pu tout dire à la pieuse femme :

Marie à ce prodige avait souvent rêvé ;

Mais le bruit du dehors n’allait pas à son âme,

Et le temps de son Fils n’était pas arrivé.

 

 

 

Jean REBOUL, Les traditionnelles, Nouvelles poésies, 1856.

 

Recueilli dans La vie de Jésus racontée par les poètes,

par Jacques Charpentreau, DDB, 1982.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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